Un fumigène dans le fumigène
Vous allez inviter Copé ? demande Hurluberlu dans notre forum de ce matin. Eh non, Hurluberlu. On n'invitera pas Copé. On avait prévu cette semaine un autre invité (vous verrez bien, c'est une surprise). Et on ne changera pas. Car je n'ai pas envie d'entendre Copé expliquer sur le plateau combien il est content de ce Grand Plan qui va sauver la télé publique. Et je n'ai même pas envie de mener bataille contre lui pour l'amener à reconnaitre ceci ou cela. Pour inviter quelqu'un sur un plateau, il faut lui reconnaître, ou lui présumer, une part minimale de bonne foi. Sinon, l'exercice a peu de chances de concourir au surgissement de la vérité.
Nous avons une autre raison, de ne pas inviter Copé : pour ne pas tomber dans le piège de ce fumigène dans le fumigène. Car c'est bien de cela dont il s'agit. Le 8 janvier, Sarkozy, n'ayant rien à annoncer, lance ce fumigène de la suppression de la pub, qui a de multiples mérites : détourner l'attention, donner de la copie croustillante à la presse, braquer les projecteurs sur un sujet qu'il aime, déstabiliser Carolis (dérangeant vestige du chiraquisme), et combler l'ami Bouygues.
S'apercevant que l'affaire n'est pas finançable, le jour de la Grande Annonce, il lance...un nouveau fumigène : le retour à l'ORTF (avec bouclier argumentatif pour museler les objections : le Parlement devra donner un avis conforme, à la majorité qualifiée). C'est exactement la même opération. D'ailleurs regardez les images : ce sont les mêmes. Même jubilation du bon tour qu'il va jouer en prenant tout le monde à contrepied, même mise en scène de sa propre audace. Opération réussie. Le soir, le lendemain, il n'est question que de cet aspect-là. Plus personne pour s'interroger sur le financement. Personne pour rappeler les réticences, lourdes de menaces pour le projet, de la Commission Européenne. Personne ou presque pour relever que Sarkozy n'a pas dit un mot de l'indexation de la redevance, évitant soigneusement le sujet épineux.
Et toute l'opposition, et toute la presse, de se précipiter : c'est le retour à l'ORTF ! Mais oui. Qu'attendiez-vous d'autre, de Nicolas Sarkozy ? Mais est-ce si grave ? Symboliquement, bien entendu. Mais dans les faits ? Comme si le CSA, et ses prédecesseurs, avait empêché si peu que ce soit la mainmise du pouvoir sur l'audiovisuel. La seule fois où un directeur de l'info vraiment indépendant a été nommé, il s'appelait Pierre Desgraupes, et avait été nommé...par un premier ministre, Jacques Chaban-Delmas (c'était en 1972).
Et nous ? On s'est précipités, nous aussi : une chronique pour les matinautes, et certainement d'autres articles dans les jours qui viennent. Comment faire autrement ? Les fumigènes inventés et lancés par un président de la République sont d'une nature particulière : une fois la fumée dissipée, ils peuvent encore faire de gros dégâts (ils sont d'ailleurs en train). Mais pas de Copé sur le plateau, Hurluberlu. Tout au moins, pas cette semaine.
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