Black friday chez Amazon : M6 très emballée (par la com’)
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Black friday chez Amazon : M6 très emballée (par la com’)

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Ils en ont de la chance Lakdar, Marion, Priscilla, Alexandre, Julien et Olivier. “Motivés”, “performants”, voire “redoutablement efficaces” et toujours “souriants”, ils ont le privilège de travailler dans un entrepôt Amazon. Et coup de bol : ce bonheur a pu être filmé par les caméras de M6 dans le cadre de l’émission “66 minutes grand format", diffusée dimanche 25 novembre. Une émission d’information paraît-il...

Imaginez une entreprise où on commence la journée en musique…

En se tapant dans les mains pour se dire bonjour...

Où l’on fait des selfies avec le chef pour se détendre…

Avant que les cadres ne rejoignent les salles de réunion aux noms trop cools...

Bienvenue dans le monde merveilleux d’Amazon, “l’entreprise de tous les records”, “une véritable caverne d’Alibaba”, nous explique M6. Le magazine 66 minutes a pu filmer les coulisses du plus grand centre Amazon en France (“107 000 m2, l’équivalent de 20 hypermarchés”), à la veille du Black Friday, cette opération marketing importée des Etats-Unis (qu’on appelle “soldes” chez nous). Pour l’occasion, M6 a suivi le parcours de plusieurs employés modèles.

Voici Marion, 21 ans :

Cela fait un an qu’elle travaille chez Amazon. Une vraie machine de guerre : “Elle emballe en moyenne 70 colis par heure”, s’étonne M6. Une performance liée à une bonne organisation : tout est automatisé, elle suit les instructions qui apparaissent à l’écran et sélectionne le bon carton.

Un travail à la chaîne épuisant ? Démotivant ? Non. M6 souligne que ce “process rend les employés redoutablement efficaces”. Pas simplement efficaces, redoutablement efficaces.

C’est aussi le cas de Lakdar, l’autre employé modèle. 

“Il est arrivé il y a seulement un an mais en trois mois, il est devenu l’un des plus efficaces maillons de la chaîne et s’est vu proposer un CDI”. On est comme ça chez Amazon, on a du mal à ne pas encourager les salariés. Le job de Lakdar ? “Il monte jusqu’à 8 mètres de haut pour prélever des articles”.

L’émission 66 minutes suit également le parcours d’Alexandre, 20 ans :

Il a été recruté spécialement pour le Black Friday alors qu’il n’a aucune qualification. “On ne cherche pas de profil particulier, explique le recruteur, vous pouvez venir travailler chez Amazon sans expérience particulière, sans compétence particulière”. On dit merci Amazon.

Certes, M6 consent à préciser que “le salaire est modeste, environ 10 euros de l’heure, à peine plus que le SMIC”. Mais la voix off s’empresse aussitôt de préciser que “ce qui motive les postulants, c’est de décrocher un CDI”. Vous savez, le fameux CDI que Lakdar a si facilement décroché.

Gilets jaunes vs pères Noël d’Amazon

Redoutablement efficaces, Marion, Alexandre, Lakdar sont donc tous mobilisés en cette période de rush. Jusqu’à ce que...

“Si demain des camions ne peuvent pas accéder ou partir de l’entrepôt, le Black Friday pourrait virer au cauchemar”, s’alarme M6. Heureusement, la police interviendra pour les éjecter.

Reste à rattraper le retard. Ca, c’est Julien, le quatrième employé modèle, qui s’en charge. Oui, parce que voyez-vous, comme nous l’explique la voix off, “Gilets jaunes ou pas, Julien a particulièrement à cœur de rattraper le retard car ce père de famille sait qu'aujourd'hui, parmi toutes les commandes, il y a de nombreux cadeaux de Noël”.

Voilà, si vous cherchiez à définir le job d’un salarié d’Amazon, ce sont tout simplement des pères Noël oranges. Avec un coeur grand comme ça : “On va rendre des enfants heureux pour Noël, insiste Julien. Ils auront leur cadeau au pied du sapin donc c'est la meilleure chose qu'on peut leur apporter. Moi, mes filles pensent que je travaille avec le père Noël. Donc j'ai la chance de leur faire croire ça, tant mieux tant mieux. Je suis le plus heureux des papas quand c'est comme ça ". Si papa Noël orange est heureux...

Et encore, vous n’avez pas tout vu. Entre deux cartons, les salariés s’amusent… grâce à la cinquième employée modèle, Priscilla. Son job en cette veille de Black Friday ? Détendre les employés en organisant des jeux pendant la pause.

“Pour cette année, Priscilla a imaginé une animation sur le thème du film “Men in Black”. Et elle a vu les choses en grand”, précise M6. Enfin, les choses en grand… faut pas exagérer non plus, ce n’est pas Johnny au Stade de France avec hélicoptère et feu d’artifice. Elle a juste mis des fanions et des ballons dans la cantine…

Elle a imprimé une affiche du film Men in Black, histoire que les employés puissent se prendre en selfie

Et elle a disposé des coupes de bonbons…

“Priscilla aurait pu s’arrêter là”, enchaîne M6. Mais non, notre dingo de la fête “a imaginé un autre petit jeu qui va lui donner du fil à retordre : faire deviner à ses collègues, le nombre de bonbons que contiendra ce vase”. Et mine de rien, c’est assez technique car figurez-vous que le nombre de bonbons n’est pas indiqué sur les paquets.

Une seule solution.. “Pendant 20 bonnes minutes, Priscilla va donc compter un à un ses bonbons”.

On se marre bien chez Amazon. “Ca n’a l’air de rien mais au-delà du côté festif, ces petites animations permettent de casser la routine des salariés, explique sans rire la voix off. Cela rendrait même les employés plus performants”. Ce que confirme le patron du centre : “Avoir les gens qui se marrent, ça me va bien parce qu’en parallèle, je sais que dans notre maîtrise du flux, ça se passe bien alors en plus, ils le font avec le sourire".

 "On ne peut pas rêver mieux, on a bossé pour ça”, conclut le chef. Effectivement, Amazon ne pouvait pas rêver mieux en terme de com’. On imagine que tout le staff d’Amiens a dû sabrer le champagne, dimanche soir. Par contre, d’un point de vue purement journalistique, ce reportage est une petite énigme. Comment des détenteurs d’une carte de presse ont-ils pu réaliser un truc pareil ?

Amazon ? Entrepôts ? Black Friday ? Tapez ces mots clés dans tous les sens dans un moteur de recherche (on a même essayé avec le moteur de recherche “Bing”, c’est dire si on a poussé l’enquête très loin) et on tombe sur une cascade d’articles expliquant que le jour du Black friday, des salariés d’Amazon se sont mis en grève dans plusieurs pays d’Europe pour réclamer… des bonbons. Euh non, pas des bonbons, ni des selfies, mais tout simplement de meilleures conditions de travail avec comme mot d’ordre ce hashtag : #AmazonWeAreNotRobots (traduction pour les journalistes de M6 qui ne parlent pas anglais : “Amazon, nous ne sommes pas des robots”). Si cela n'a pas été le cas en France (malgré un appel à la grève dans La Voix du Nord), les enquêtes sur les mauvaises conditions de travail dans divers entrepôts de l'hexagone se multiplient ces dernières semaines (au hasard, lisez celle du magazine Capital ou celle de L'Obs). 

Amazon et ses amis investissent dans la pub... 

Si M6 est restée aussi discrète sur les conditions de travail dans les entrepôts Amazon, c'est peut-être aussi pour ménager un nouveau gros annonceur depuis cette année. D’après Le Figaro, Amazon a investi 30 millions d’euros en publicité sur le premier trimestre 2018. Une tendance qui se confirme pour tous les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui ont dépensé près de 100 millions d’euros en publicité pour les six premiers mois de l’année (+86% en un an). Si la presse papier est la première bénéficiaire de ces nouveaux clients, la télévision en bénéficie également. M6 sait ménager ses clients.

Mais à quoi ressemblerait un reportage sur les conditions de travail chez Amazon avec des salariés qui témoigneraient en off ? Nous avons collecté différentes citations, glanées au fil des enquêtes parues dans la presse papier ces dernières semaines et ces derniers mois. Et nous avons comparé ces citations avec le témoignage des employés modèles de M6. La différence est saisissante :

1. Le système de codes barre

Sur M6, Ladkar vante la fiabilité du système : "Tout est écrit, tout est détaillé, nous avons un code-barre, on ne peut pas se tromper".

Témoin de L’Obs : "On est pistés. Amazon sait que j'ai envoyé tel nombre de colis, de tel poids, à tel rythme. (...) C'est un flicage permanent. Même quand on va aux toilettes, les 'leads' vérifient le temps que ça nous prend."

2. Les consignes données par un écran

Sur M6, Marion loue la rapidité du système : "Comme les produits ont été scannés à l'arrivée, on sait d'office dans quelle taille de cartons ils rentrent. J'ai l'habitude, donc du coup, j'ai pris les réflexes et le rythme. On connaît les gestes par coeur, on connait les emplacements des cartons par coeur donc ça va vite".

Témoin de Mediapart (déléguée syndicale CGT) : “Nous avons des objectifs, tant de colis à faire à l'heure, et tout ça est indiqué sur notre écran. Si on n'y arrive pas, ça s'affiche en rouge sur l'ordinateur du manager qui vient nous voir. On peut ensuite recevoir une lettre d'avertissement chez nous, et cela peut éventuellement conduire au licenciement”.

3. La sécurité et les cadences

Sur M6, Lakdar insiste lourdement sur les conditions de sécurité, notamment en répétant aux nouveaux intérimaires de bien suivre le balisage au sol pour éviter tout accident : "Au Black Friday, il va y avoir du monde, ça peut être dangereux. Donc on préfère travailler en sécurité".

Témoin du magazine papier Capital : “Les managers ont dit qu’on allait essayer de battre un record, on a fait une énorme journée. L’envers du décor c’est qu’on se fichait de la sécurité : on portait des palettes seuls. Les managers nous incitaient à le faire.”

Quant aux fameux contrats en CDI si facilement distribués d’après M6, le journaliste Jean-Baptiste Malet n’est pas du même avis. Il a travaillé six mois comme intérimaire au centre de Montélimar pour son enquête en immersion intitulée En Amazonie. Infiltré dans le 'meilleur des mondes (Fayard). Et selon lui, "la stratégie d'Amazon consiste à embaucher des jeunes travailleurs en pleine forme, les garder deux ou trois ans, puis une fois qu'ils sont épuisés, les remplacer par des nouveaux. Entre-temps, on mesure un taux anormalement élevé d'accidents du travail et de troubles musculo-squelettiques."

Mais ça, c’est au bout de deux ou trois ans. Le premier jour se passe toujours bien, comme pour Alexandre, le jeune homme de 20 ans dont M6 suit les premiers pas. C’est d’ailleurs sur cet ultime témoignage que se conclut le reportage de 66 minutes : “Ca c’est bien passé, très bien, j’avais un peu d’appréhension au début mais là du coup, j’ai pris mes marques et tout, je me sens à l’aise et puis j’ai bien été guidé par mes anciens formateurs, ma nouvelle équipe, tout ça, donc je suis très content”. Les journalistes de M6 ont dû penser exactement la même chose.

DEVINETTES

1. Dans le reportage de M6, il y a déjà une devinette : combien y a-t-il vraiment de bonbons dans ce vase ? Alors, combien ? 

2. L'un des auteurs du reportage de M6 avait enquêté sur un autre sujet, qu'il maitrisait visiblement mieux. Lequel ?

3. La télé du samedi 1er décembre 2018 ressemblait furieusement à la télé du samedi 3 novembre 1984. Pourquoi ?

>> Retrouvez chaque midi, dans le forum, un nouvel indice tant que la réponse n'aura pas été trouvée.

>> Chaque bonne réponse rapporte 1 point (la question bonus, 2 points). Et à Noël, le ou la gagnant.e recevra un petit colis (non piégé) qu'on va remplir au fur et à mesure. Pour cette sixième semaine, on rajoutera  des bonbons (mais pas forcément autant).

>> Classement des asinautes : 1. Little jo (11 points) / 2. Ervé et Bruanne (2 points) / 3. Sans foie et Antoine Streiff (1 point)

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