Selfie Clinton : non, ce n'est pas (encore) la dictature de Narcisse
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Selfie Clinton : non, ce n'est pas (encore) la dictature de Narcisse

On voit d'abord les dos. L'unanimité des dos. Au premier contact avec cette photo

, qui buzze comme rarement sur les réseaux sociaux depuis hier, on pense forcément à une manifestation hostile. Hostile à qui ? Le regard se tourne vers la droite, vers le casque blond de Hillary Clinton. Etrange : la candidate semble saluer cette foule, en dépit de son apparente hostilité, ou impolitesse. Mais dans la foule, justement, c'est une forêt de bras nus qui lui répond, bras tendus pour, mais oui, bien sûr, ce n'est pas vers une invisible divinité, c'est pour faire des selfies.

Ce qui frappe dans cette photo de Barbara Kinney, photographe officielle des Clinton, prise le 21 septembre lors d'un rassemblement à Orlando (Floride), c'est l'unanimiité de cette foule, jeune et féminine. Pas une seule dissidente, qui aurait décidé de rester "de face". Et c'est cette unanimité, sidérante, effarante, accablante, qui nourrit le buzz, les likes et les retweets de cette photo signalant la fin sans rémission d'une ère, cette ère où les regards convergeaient vers la vedette du jour. C'est fait, c'est acté, l'image ne saurait tromper, nous entrons résolument, définitivement, dans une nouvelle ère 100% virtuelle, dans une sorte de dictature narcissique. Seule compte la photo qu'on enverra sur les réseaux sociaux, cette photo où l'on se place à égalité avec la vedette. Et si Clinton les salue, c'est bien qu'elle comprend, admet, approuve. Complice à la fois de de sa rétrogradation, et de sa désincarnation.

Or voici, clic clic clic, que Getty images nous propose la photo d'un autre moment du même rassemblement d'Orlando. Outre la différence d'éclairage, c'est bien entendu le contraste qui frappe : soudain assagies, revenues au XXe siècle, les mêmes filles font classiquement face à la candidate. Ah tiens, le "moment selfie" n'a donc été qu'un moment, autorisé, peut-être impulsé par la candidate elle-même. Ce vague sentiment d'effondrement d'un monde, qui nous oppressait sourdement voici quelques secondes, ne nous dit finalement rien d'autre que notre propre terreur d'un monde que nous espérons / redoutons de voir advenir. Non, le selfie ne "remplace" pas les codes traditionnels de contact entre une foule et l'objet de son amour. Il vient seulement s'y ajouter, à sa petite place. La dictature de Narcisse n'est pas (encore) pour demain.

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