Bruxelles, ce maudit métier
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chronique

Bruxelles, ce maudit métier

Ecrire du coeur de l'événement. Entamer l'écriture de cette chronique quotidienne

alors qu'une journaliste française à Bruxelles, sur Twitter, s'enquiert d'une explosion entendue à l'aéroport. Commencer à écrire sur un tout autre sujet, sans pouvoir s'empêcher de revenir sur Twitter, où très vite apparaissent les toutes premières photos et vidéos (des passagers en panique fuient un bâtiment dévasté). Voir les premières photos du saccage. Déjà pressentir en habitué un bilan à deux chiffres, alors que les premiers décomptes officiels ne parlent encore que de quelques blessés. Ecrire alors que de minute en minute, s'alourdissent comme prévu les bilans de la double explosion qui a frappé en début de matinée l'aéroport de Bruxelles.

Hésiter d'abord à traiter le sujet, puis se laisser happer par l'obscénité ordinaire. Tout en maudissant son métier, tenter de discerner ce que l'attentat nous apprend sur le paysage toujours mouvant des réseaux sociaux. Noter l'apparition de plusieurs directs sur Periscope, qui n'apportent pas grand chose. Noter aussi que le site de Russia Today est à présent le plus réactif dans la mise en ligne de photos de morts et de blessés (pas de lien, cherchez vous-mêmes si vous souhaitez voir). Noter incidemment que le plus actif des photographes de cadavres, sur place, s'appelle Juan Antonio Giner, journaliste catalan, apparemment spécialiste international des medias. Imaginer le confrère, lui-même en partance au comptoir, son bagage à l'épaule, photographiant et postant frénétiquement. Se garder de juger. Existe-t-il, dans cette situation, un "bon" réflexe ? Où s'arrête l'impérieuse nécessité du témoignage ? Eternelles questions, jamais résolues.

Anticiper le déferlement d'experts et d'hypothèses, toute la journée, sur les plateaux des chaînes d'info continue. Echafauder un dispositif pour notre site. Ne pas pouvoir s'empêcher de jouer soi-même à l'expert en peignoir, en notant que l'événement se déroule à Bruxelles, quelques jours après l'arrestation d'Abdeslam, logisticien présumé, comme on dit, des tueries du 13 Novembre. S'efforcer de se dire qu'il y a des chances pour que cela n'ait aucun rapport, même s'il y en a très peu. Ressentir dans sa chair la honte et l'excitation de ce maudit métier.

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