Comment Bern n'a pas outé Henri III
Le matinaute
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chronique

Comment Bern n'a pas outé Henri III

Plus de cinq siècles plus tard, il est temps de tordre le cou à une injustice, et Stéphane Bern s'y emploie sur France 2 :

rétablir l'image de Henri III, "l''un des princes les plus incompris de notre histoire, roi secret et cultivé, qui mérite beaucoup mieux que sa légende noire". Cinq siècles, c'est une longue traversée du désert, et le dernier des Valois étant dans l'incapacité de s'allonger comme Copé sur le divan de Fogiel, c'est donc Bern qui s'y colle.

"Il lit. Il a des livres. Il a une bibliothèque. Ce n'est pas un homme de plein air. C'est le raffinement incarné" renchérissent les historiens appelés en témoins à décharge. Et pour couronner le tout, c'est lui qui préfigure la réconciliation religieuse que mettra en oeuvre son successeur Henri IV, en l'adoubant de son vivant, et en l'adjurant de se convertir au catholicisme.

Parfait. Très bien. Reste une question, autour de laquelle tourne Stéphane Bern, non seulement sans y répondre, mais sans même la poser. Finalement, à la fin des fins, gay ou pas, Henri III ? Tous les écoliers français, à l'époque où ils apprenaient encore l'Histoire des rois, sont restés sur cette image ambiguë, troublante, d'un roi "effeminé"', amateur de mignons et de bilboquet, et laissés seuls face à une question lancinante : de quoi le bilboquet pouvait-il bien être le nom. On comprend qu'on ne traumatise pas les écoliers avec des informations sexuelles trop précises. Mais une émission historique, sur France 2, en 2016, ne peut-elle au moins aborder la question ?

D'autant que Bern nous aguiche, avec un titre énigmatique : "Et si Henri III n'était pas mignon". On va donc enfin tout savoir. Certes, on ne dit pas "gay", sur France 2, ni même homosexuel, à une heure de grande écoute, et encore moins "bi", ce qui est tout de même l'hypothèse la plus vraisemblable. Mais le sujet va être abordé. Forcément.

Mais non. Une fois de plus, on reste à la porte de la chambre à coucher. Si Bern évoque bien les mignons du Roi, "des éphébes sélectionnés pour la souplesse de leurs cuisses et leur férocité à la guerre", il ne s'est pas décidé à outer Henri III. Ah, cette "souplesse des cuisses" : à la danse ? au combat? au lit ? Tout au plus donne-t-il des indices, comme cette caricature anti-Henri III, par des "ligueurs", qu'on n'appelait pas encore des catho tradis, après l'assassinat, sur ordre du roi, du duc de Guise.

La preuve par le soufflet

Caricature dans laquelle on peut voir la naissance de la légende d'un roi "en posture féminine face à un d'Epernon (mignon) dominateur". De ce que l'on comprend, déduit, devine, ce serait une alliance contre nature de fait, entre calvinistes et cathos tradis, qui aurait perpétré, par delà les siècles, la légende du roi gay (ce que confirme d'ailleurs la très complète notice Wikipedia du monarque). De l'inconvénient d'être un souverain de synthèse.

Savoir si Henri III était hétéro, gay ou bi, ne présente pas un immense intérêt aujourd'hui. En revanche, comprendre comment se crée, et dans quel but, une vraie-fausse vérité historique, mesurer comment se perpétuent tabous et non-dits, savoir sur quelles ellipses volontaires se tisse le fameux "roman national", pourrait présenter un intérêt pour les télespectateurs. Cela porte d'ailleurs un nom, cela s'appelle l'historiographie.

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