Et informer, ça sert à quoi, Christine Angot ?
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Et informer, ça sert à quoi, Christine Angot ?

La chronique de Christine Angot dans

Libé, publiée le 6 mars dernier, et qui buzze sur les ondes depuis hier avec quelques jours de retard, a une apparence : le burn out désordonné, déstructuré, durassien, d'un écrivain confronté à une actualité en fusion, sur laquelle il réalise, paniqué, qu'il n'a aucune prise. Ca sert à rien d'écrire des chroniques, écrit Angot, dans une chronique. Texte fascinant, qu'on pourrait mettre en abyme à l'infini, sur le thème "à quoi ça sert d'écrire des chroniques pour dire que ça sert à rien d'écrire des chroniques ?" Invitée ce matin de Lea Salamé sur France Inter, Angot développait ses paradoxes à l'oral. C'était brillant.

Au-delà de cette apparence, cette chronique n'est pas écrite de nulle part. Elle s'appuie sur le socle des convictions politiques, aussi fermes que confuses et non exprimées, de l'auteur, convictions résumables dans cette phrase : "En ce moment, il y a une seule chose de bien : chacun montre son vrai visage. Celui-ci comprend les terroristes, celui-là comprend le vote Front national, tel autre propose qu’on boycotte Israël, que les artistes refusent d’y donner des concerts". Autrement dit, compréhension envers les terroristes, envers le vote FN et proposition de boycott des produits des territoires occupés sont ramenés dos à dos, bonnet blanc blanc bonnet, Angot est contre Marine Le Pen, et pour Israël. Très bien, comme elle dirait. C'est son droit. Simplement, il faut savoir que si cette chronique exprime un burn out, c'est celui-là : le burn out d'une pro-israélienne et d'une anti Le Pen. On pourra s'amuser à chercher sa cohérence politique, mais ce n'est pas la question. Si on avait dû la poser à Duras, on y serait encore.

C'est d'autant moins la question que ce texte pose évidemment, à la manière Angot -imparable, talentueuse, au bazooka- une question à laquelle aucun chroniqueur ne saurait rester indifférent. C'est vrai. Ca sert à quoi ? On pourrait d'ailleurs encore élargir. Informer en général, ça sert à quoi ? Entrer dans le détail, chercher au-delà des apparences la vérité des mots et des actes, être obsédé par l'idée de serrer la réalité du plus près possible, ça sert à quoi ? Ca sert à quoi (exemple du jour) d'enquêter sur Woerth, puisque au final la Justice ne trouvera pas les preuves qui pourraient le faire condamner ?

Pour le journaliste et le chroniqueur, la question est aussi obsédante que vaine. Se la poser, pour le coup, ne sert à rien. Il y a une mission. Pour une certaine presse, elle est fixée par les actionnaires et les annonceurs, et ratifiée -ou non- par les lecteurs. Pour une autre presse, elle est fixée par les lecteurs seuls, sans actionnaires ni annonceurs. C'est mieux, mais ce n'est pas la question. A ceux dont c'est le métier ou la fonction, il incombe de remplir cette mission. Arrivera ce qui devra arriver, liront ceux qui veulent lire, raisonneront, riront, frissonneront, ceux qui le peuvent, s'indigneront ceux qui veulent s'indigner, changeront d'avis ceux qui doivent changer d'avis.

Au total, entendront ceux qui veulent entendre, c'est à dire, c'est vrai, pas grand monde. A quoi ça sert de dire que les statues de Mossoul détruites devant les caméras par les critiques d'art de l'EI -événement déclencheur du texte angotien- n'étaient que des copies, ce qu'ont confirmé les Irakiens, puisque Angot ne l'entendra pas, ne veut pas l'entendre, n'a pas envie de l'entendre, puisque ce fait n'est pas exploitable, pas utile dans le tumulte que Angot dénonce et entetient à la fois, et qui continue de répéter que les djihadistes ont bel et bien détruit des statues antiques."Qui écoute qui ?" demande Angot. Bonne question.

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