Dos Santos, de bonnes sources...
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Dos Santos, de bonnes sources...

Les medias français doivent-ils entretenir des sources parmi les djihadistes de l'EI ?

On se souvient que Wassim Nasr, de France 24, et Jacques Follorou, du Monde, en débattaient sur notre plateau. A cette question, l'emballement Dos Santos apporte une réponse spectaculaire. Ce sont bien les sources entretenues par quelques journalistes français parmi les djihadistes, qui ont permis de dégonfler en temps réel un étrange emballement médiatico-politico-judiciaire.

Avec un peu de recul, il faudra un jour analyser heure par heure cet emballement qui a conduit le Parquet de Paris à affirmer que des indices "précis et concordants" assuraient que le jeune Mickaël Dos Santos, originaire du Val de Marne, catholique converti à l'Islam, était bien "le second Français" figurant sur la vidéo de décapitation collective de l'EI (sur laquelle avait déjà été identifié le Normand Maxime Hauchard).

Dans son édition du 21 novembre (article donc bouclé le 20, en fin de matinée), Le Monde consacre une page entière (avec grande photo de Une) à "la conversion éclair de Mickaël Dos Santos". S'agissant de l'authentification du jeune homme sur la vidéo, le journal relate ainsi le rôle de sa mère : "Ana Dos Santos a rejoint les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure pour authentifier les images de son fils. A l'isssue de son audition, le Parquet de Paris a identifié le deuxième djihadiste français". Le journal n'écrit certes pas formellement que Ana Dos Santos a authentifié les images de son fils, mais tout lecteur le comprend. L'enquête du Monde, apparemment entreprise de longue date, et qui donne la parole à sa grand mère et à son ancienne petite amie, est-elle la raison de sa précipitation ? Une enquête d'une page entière sur la conversion d'un décapiteur est certes plus vendeuse qu'une enquête sur un djihadiste anonyme...

Revirement sur le site du Monde, dans un article du 21 novembre, à 1 h 35. "Selon des informations du Monde, les services de renseignement n’ont jamais affirmé que Mme Dos Santos avait formellement reconnu son fils sur la vidéo". Ah tiens ! Ne dirait-on pas que la DGSI tente de faire porter le chapeau au procureur ? Qu'a donc dit à la DGSI Ana Dos Santos ? Interrogée chez elle par BFM (vidéo embeddée par Le Monde), la mère du jeune djihadiste raconte une classique histoire d'interrogatoire policier : "Ce n'est pas mon fils je ne le reconnais pas. Je l'ai dit à la DGSI hier, et aujourd'hui, où j'étais interviewée. Ils m'ont dit vous êtes sûre ? Mais ils m'ont fait répéter pendant très longtemps, très longtemps (sanglots dans la voix). Arrivée à un moment donné j'ai cru que j'avais des doutes, et je sais plus, je sais plus si c'est mon fils ou pas mon fils, mais plus je regarde, plus je me dis c'est pas mon fils".

Entretemps, sont passés par là un chercheur, Romain Caillet, et le journaliste de RFI David Thomson, qui ont émis de sérieux doutes. Sur quoi se fondent ces doutes ? Thomson s'est fait un plaisir de le raconter au Monde : sur ses contacts avec quatre djihadistes français combattant dans les rangs de l'EI, lesquels ont démenti la présence de Dos Santos. Et sur ses contacts personnels avec Dos Santos, qui lui ont permis d'authentifier le compte Twitter, sur lequel le jeune homme lui-même a démenti se trouver parmi les décapiteurs. Autrement dit, à ce stade du match du journalisme d'investigation contre le journalisme policier, c'est 1-0. Reste une question : quel est le mobile de l'emballement ? Pourquoi fallait-il absolument qu'on identifie deux Français sur la vidéo ? Si les emballements avaient toujours un mobile unique...

Màj, 11 h 45 : Soreen Seelow, journaliste au Monde, et auteur de l'enquête sur Mickaël Dos Santos, nous précise qu'il n'a commencé à travailler sur le sujet que la veille de la publication de l'article, après que l'identité du jeune homme a été révélée par France 2.

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