Le déneigeur et les pilotes
Le matinaute
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chronique

Le déneigeur et les pilotes

Le coupable, le voici. En gros plan. Derrière des barreaux, de gros barreaux.

L'avez-vous bien vu ? Les avez-vous bien vus, les barreaux, au premier plan ? Voulez-vous un autre angle ? Un zoom ? Un autre éclairage ? Le voici. Ivre. Il était ivre, on vous dit. 0,6 grammes d'alcool dans le sang. 0,6 grammes, ce n'est pas énorme, quand la limite française pour les conducteurs, par exemple, est fixée à 0,5 grammes. Mais c'est assez pour que nous ayions trouvé le coupable du crash. De toutes façons, un conducteur poutinien de déneigeuse ne peut qu'être saoul. Ne dit-on pas "saoul comme un déneigeur russe" ? Bon. On apprend qu'il "avait pu consommer quelques gouttes d'alcool", par exemple un café arrosé. Peu importe. C'est toujours trop.

De cette exhibition publique des coupables, les enquêteurs russes sont les principaux metteurs en scène. Des coupables, il faut des coupables. Que l'accident puisse être simplement dû à un malencontreux concours de circonstances, personne ne s'en satisfera. Quatre employés de l'aéroport ont été placés en garde à vue, tandis que le directeur de l'aéroport a démissionné. De la profusion de détails sur l'enquête (l'aiguilleuse du ciel stagiaire, sa date d'embauche à la tour de contrôle, son niveau d'études, la présence de son superviseur, la sobriété ou non des personnels de la tour de contrôle), on pourrait  tirer tout simplement la conclusion que l'enquête russe est bien menée, avec énergie, on pourrait saluer la "tolérance zéro" manifestée en Russie à l'égard de l'alcoolisme. Mais non. Dans la recherche frénétique de responsables, si le déneigeur Vladimir Martynenko est présumé coupable, les enquêteurs russes semblent l'être tout autant. Que l'enquête soit trop lente, et ils seront soupçonnés de l'enterrer. Qu'elle soit trop rapide, et ils seront taxés de désigner à tout prix des boucs émissaires, après la mort d'un puissant.

En revanche, voici que les boîtes noires nous apprennent que les pilotes du jet de Christophe de Margerie, alors que le processus de décollage avait commencé depuis quatorze secondes, avaient perçu un obstacle sur la piste. "Ils ne l'ont pas considéré comme une menace" écrit, sans le moindre commentaire sur leur qualification, Le Figaro. Personne ne se demande si les pilotes -paix à leur âme- avaient consommé quelque substance que ce soit, qui ait entravé leur perception du risque, ou même simplement s'ils n'ont pas eu une mauvaise perception du risque.  La question ne sera pas posée. Par définition, les pilotes du jet privé du patron de Total sont insoupçonnables.

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