Cameron : un ton de guerre
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Cameron : un ton de guerre

On devrait regarder davantage du côté de la Grande-Bretagne, et pas seulement pour les baptêmes princiers.

Voilà que le premier ministre David Cameron y menace directement la presse. Pour endiguer le flot des révélations Snowden sur l'espionnage américain, il a tout essayé. Il a envoyé des émissaires au Guardian pour faire détruire des disques durs. Des sources sécuritaires britanniques ont intoxiqué quelques autres journaux britanniques, pour tenter de soulever une campagne d'opinion contre le Guardian. Mais le Guardian persiste à publier des révélations sur l'espionnage américain, issues des documents Snowden. Cameron est donc passé à la vitesse supérieure : "Je ne veux pas avoir à utiliser des injonctions (...) ou d'autres mesures plus dures. Je préfère de loin en appeler au sens de la responsabilité sociale des journaux. Mais s'ils ne font pas preuve de responsabilité sociale, il sera très difficile pour le gouvernement de rester passif et de ne pas agir".

On croyait, pour la presse, dans les pays dits démocratiques, ce combat-là au moins gagné. On la voyait certes menacée par le conformisme, le sensationnalisme, les pressions des annonceurs, la peur de son ombre, les problèmes de distribution. Mais, sur le plan de la censure étatique, on croyait ce combat, en temps de paix, derrière elle. En suscitant chez Cameron, le plus pro-américain des chefs de gouvernements européens -et qui vient encore de le montrer en torpillant les velléités européennes de protection des données- des menaces de temps de guerre, l'affaire Snowden est peut-être en train de nous faire revenir en arrière, et dans un contexte où la presse traditionnelle a perdu son monopole de l'information. Qui sait si l'on n'est pas à la veille d'un schisme majeur, entre la presse qui se pliera aux injonctions d'Etat, et celle qui s'en affranchira ?

On peut aussi voir dans les injonctions de Cameron des moulinets sans lendemain, pour donner des gages à Obama. A partir du moment où il est obligé de proférer ses menaces publiquement, peut-on considérer, c'est qu'il a déjà perdu la partie. Peut-être. Mais à un moment, Cameron ne sera-t-il pas prisonnier de ses menaces, et obligé de passer à l'acte ? Est-ce à dire que la presse doit rester sourde à toute considération de raison d'Etat ? Est-ce à dire qu'elle peut, pour vendre du papier, ou faire du clic, mettre en danger la vie des soldats, ou celle des citoyens, en fournissant des informations à l'ennemi ? C'est une des questions les plus terribles qui puissent se poser à un directeur de journal, et à laquelle il n'est pas d'autre réponse que celle-ci : la liberté de publier étant la règle, et l'autocensure l'exception, la définition de ces exceptions appartient à la presse, et à elle seule. Pas davantage qu'hier au moment de publier des documents Wikileaks (nous y avions notamment consacré une émission, dans laquelle Hubert Védrine -"la transparence illimitée, c'est la Chine de Mao"- s'était fait l'avocat de la raison d'Etat), le journaliste, au moment de publier des documents Snowden, ne doit se soucier de ménager un Etat qui n'aura pas sû protéger ses propres secrets. Chacun son job.

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