De quelques mantras foutraques
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chronique

De quelques mantras foutraques

On a beau être gouvernés par des énarques, le débat français garde l'amour des mots.

Prenez la bagarre sémantique d'aujourd'hui: le patronat souhaite un "choc de compétitivité" (si vous n'avez toujours pas compris de quoi il s'agit, il s'agit d'alléger de 40 milliards les cotisations patronales, pour les reporter sur la CSG, c'est à dire sur tout le monde. En d'autres termes, de prendre beaucoup d'argent aux pauvres, pour le donner aux riches. Pardonnez mon simplisme). Pourquoi un choc ? Parce que ça frappe, un choc, par définition. Il faut que ça cogne. L'heure n'est plus aux demi-mesures, aux "trajectoires" mollassonnes. Tout ou rien. Il faut un remède de cheval. Tuer la maladie dans l'oeuf. Cogner, comme en chimio. Il faut que l'écho de notre choc s'entende jusqu'en Allemagne, et jusque dans la lointaine Chine. Et en dessous de 40 milliards, le niveau sonore risque d'être trop faible.

Vous préférez le débat sur les chiffres ? Alors parlons chiffres. Le "choc" devait être de 40 milliards. Les patrons n'en demandent plus que 30. Pourquoi 40 ? Pourquoi 30 ? Pourquoi pas 20 ou 50 ? Vous pensez sans doute que ces gens disposent de calculettes sophistiquées, ont élaboré des simulations raffinées, qui leur ont permis d'établir qu'en dessous de 30, un choc n'est pas vraiment un choc ? Alors je vous conseille un des meilleurs articles parus ces derniers temps sur l'économie. Vous ne perdrez pas votre temps: il peut vous éviter de lire tous les autres. Il raconte l'histoire de la fameuse règle de 3% du déficit. C'est le chiffre qu'on ne doit pas dépasser. C'est la "règle d'or". C'est au nom de cette règle qu'on refuse de construire des écoles, des hôpitaux, qu'on ferme les maternités dans les sous-préfectures. Pourquoi 3% ? Parce que 3, "ça a traversé les époques, ça fait penser à la Trinité". Qui parlait ainsi ? Un humoriste ? Non. L'inventeur des 3%, un très sérieux haut fonctionnaire français, que Le Parisien avait retrouvé il y a quelques semaines. Combien de mantras foutraques, se glissent-ils ainsi dans le débat, avec toutes les apparences du sérieux ?

Tiens, à propos de mots, leur "choc", les grands patrons français l'ont donc revendiqué à la Une du JDD de ce week-end, sous forme d'un "ultimatum". Ainsi est titré leur texte à la Une. Ah, il est bien fini, le temps où ils suppliaient qu'on les taxe.  On lit, et ce catalogue de revendications sempiternelles est tout sauf un "ultimatum". On voit bien que les auteurs ont fait ce qu'il fallait, pour ne pas sembler poser le revolver sur la tempe de Hollande. C'est le JDD qui a saboté leur texte, en le présentant comme un ultimatum des super riches. Il est vrai que "catalogue" est moins vendeur que "ultimatum". Moralité: pour vendre davantage de papier, le journal de Lagardère a saboté le coup de com' des super riches. Ca me rappelle une histoire de capitalistes, et de corde pour se pendre, que racontait jadis un humoriste du nom de Lénine. Grosse bise au premier qui retrouve la citation.

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