En suspension
Le matinaute
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chronique

En suspension

Ne me demandez rien ce matin, je suis en supension.

Qu'on se le dise, après le carnage de Toulouse, la campagne présidentielle est suspendue. Emissions annulées, meetings supprimés: allez parler d'autre chose, quand la France découvre hébétée son premier psychopathe à sulfateuse. Oui, la France. Pas les Etats-Unis (pas étonnant, avec leurs armes en vente libre), ni un pays scandinave (pas étonnant, ils s'ennuient tellement, là-haut). Chacun suspend son souffle. Comme pour prendre des forces avant que l'on découvre et dissèque, demain, la biographie du monstre, sa page Facebook, son manifeste de mille pages, etc. Enfin, presque chacun. Ayant repris sa tête de président, le suspendu Sarkozy a sauté dans son avion officiel pour Toulouse, battant de quelques heures le suspendu Hollande, obligé de prendre l'avion de ligne. Et comme cela ne suffisait pas, il a re-convoqué les caméras à l'Elysée dans la soirée pour une mise à jour des découvertes policières sur le scooter et les armes, soulignant pour qui en doutait que la suspension n'exclut nullement les recherches de petits profits. Quant aux journalistes, on ne trouve pas plus suspendus. Surtout, qu'on ne compte pas sur eux pour recenser les "axes de recherche" de la police, soupeser l'hypothèse du fou d'Allah par rapport à celle du croisé néo-nazi, entretenir le feuilleton à partir de rien.

Question faussement naïve, hier, dans notre petite équipe: mais au fond, pourquoi les candidats se précipitent-ils à Toulouse ? Pourquoi ce besoin de courir se faire voir sur les lieux, avec leurs gros sabots et leurs lourdes escortes, entravant le travail des policiers ou des psychologues, eux qui ne sont ni l'un ni l'autre ? Pourquoi ? C'est tout simple. Parce qu'un gros, très gros paquet d'électeurs sont encore informés par le 20 Heures. Et en langage 20 Heures, la seule manière d'exprimer une compassion particulière, une mobilisation, ou même simplement une réaction par rapport à un événement, est d'inscrire pour quelques secondes son image dans le décor de cet événement.

Et s'ils n'y étaient pas allés ? Et s'ils n'avaient pas sacrifié à la supension-spectacle ? Et s'ils avaient fait exactement les mêmes discours, montré la même émotion, mais dans leurs bureaux, à Paris ? Ah, on peut entendre d'avance les éditos politiques, sur le thème "ils ont manqué le coche, ils n'ont pas pris la mesure de l'émotion populaire", etc. Oui, ils se seraient heurtés de front à l'éditocratie. Mais le peuple ? La foule ? Croit-on que le peuple attende vraiment du Roi, ou des prétendants, ces images thaumaturges ? Avons-nous fait si peu de chemin depuis le Moyen-Age ?

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