Le Monde, et ses rois mages
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chronique

Le Monde, et ses rois mages

C'est un conte de Noël en été, qu'est en train de vivre Le Monde.

Le journal est au bord de la faillite ? Les salaires de juillet ne sont pas assurés ? Oyez oyez, comme dans sa pauvre étable, arriva en grand train un scintillant trio de rois mages, tout chargés de l'or, de la myrrhe et de l'encens. Remerciements, honneurs, influence : ils ne demandent rien aujourd'hui. Ils n'exigeront rien demain. Rien d'autre que de déposer leurs offrandes au pied de la crèche sacrée. Unanimement ou presque (à la notable exception de l'ancien président de la société des rédacteurs, Jean-Michel Dumay), la rédaction, magnanime, a accepté l'offrande, s'inclinant majestueusement aux pieds de ceux qui venaient se courber à ses pieds (je sais, l'Allégorie est difficile à visualiser, mais essayez).

On ne comprendrait rien au feuilleton du Monde, si l'on restait dans le rationnel. Pour tenter d'y comprendre quelque chose, il faut se glisser dans l'univers merveilleux des affects et des fantasmes. Il faudrait allonger sur le divan chacun des candidats sauveurs, et le laisser évoquer ce que représente, pour lui, Le Monde. Puissance, influence, respectabilité, indépendance, lueur d'espoir au coeur des dictatures : le journal charrie encore tout celà, aux yeux, disons, de la vaste génération des plus de quarante ans. Lisant en fin de semaine dernière l'interview de Cebrian (Prisa), dans laquelle l'Espagnol ressortait les violons des années de lutte anti-franquiste, le premier réflexe fut un ricanement sceptique. A tort, sans doute. Il y a une part de sincérité, dans l'acharnement de tous les sauveurs au chevet du grand malade. Que l'on les peigne en noir ou en rose (ego, ou engagement citoyen) leurs intentions de départ peuvent être présumées désintéressées. Mais les intentions sont une chose, et la mécanique infernale de la propriété en est une autre.

Malade de quelle maladie, Le Monde, au juste ? Risquons un diagnostic, qui vaut ce qu'il vaut : malade de n'être plus la voix, au coeur des tempêtes, que l'on recherche, que l'on écoute, que l'on transmet. "Que dit Le Monde ?" : qui se pose encore cette question ? Cette voix s'est éteinte. Plus précisément, elle s'est éparpillée en mille petites voix, qu'il faut aller butiner ici et là, au Monde et ailleurs, et essentiellement, il faut bien le dire, sur la Toile. Elle s'est éteinte, mais son souvenir est obsédant. Les réunifier en bouquet, les mille voix, sous la prestigieuse enseigne : voici un chemin de la survie. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire.

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