Havanes, et grain de sable
Le matinaute
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chronique

Havanes, et grain de sable

Le matraquage était presque parfait.

Couvert par la magnifique préparation d'artillerie de l'évidence démographique ("puisqu'on vit plus longtemps, il faudra travailler plus longtemps") le gouvernement aurait pu faire passer le recul de l'âge légal du départ à la retraite comme une mesure évidente, naturelle, météorologique. Et ce restera comme un des grands enseignements de ce long débat, que la capacité de la machine médiatique à évacuer la dimension de classe de cette mesure, dimension que même le très sarko-compatible Jacques Attali rappelait, dans un débat de Public Sénat, malheureusement trop peu diffusé ("si l'âge augmente,ce sont les ouviers qui paient"). A noter qu'Attali ose d'ailleurs prononcer le gros mot "ouvriers", gros mot qui semble écorcher la bouche de la plupart des socialistes, lesquels préfèrent évoquer "ceux qui ont commencé à travailler tôt", et autres trouvailles géniales. On suivra désormais avec intérêt le débat sur la pénibilité, dont Woerth vient d'annoncer à l'instant qu'elle devrait être "constatée" pour maintenir le droit au départ à 60 ans. "Constatée" : par qui ? Par un médecin, ou par ma voisine ? Quel paradis de la sémantique, la France !

Chef d'oeuvre encore, la pluie scintillante de mesurettes spectacle, censée accompagner la pilule : interdiction des cumuls emploi-retraite des ministres, suppression promise de l'opaque régime de retraite des parlementaires, sur lequel, comme on l'apprend dans notre enquête, les données générales sont mieux gardées qu'un secret de la défense nationale, taxation des "retraites-chapeaux" (quand ? combien ?), et exécution, en douce, du bouclier fiscal. Bref, tout était prévu, calculé, poli et re-poli.

C'était compter sans le Canard Enchaîné, encore lui, qui, en très grande forme, révèle le même jour que Rama Yade s'était fait réserver en Afrique du Sud une chambre d'hôtel encore plus chère (667 euros par nuit) que celle des Bleus, et que le ministre Christian Blanc (ancien patron de la RATP et d'Air France) s'est fait payer 12 000 euros de cigares par l'Etat. A l'heure matinale où cette chronique est écrite, aucun des deux n'avait encore démissionné. Quel rapport avec les retraites ? Aucun, sauf que les deux informations, toute la journée, vont cohabiter dans les mêmes flashes info, et les représentations mentales se mélanger dans l'inconscient collectif. Les 62 ans des ouvriers vont tournoyer dans les volutes du havane patronal, et la visite médicale "constatante" trouvera son cadre naturel dans un palace sud-africain pour sous-ministresse en balade. Cela s'appelle un grain de sable. Conséquences imprévisibles à prévoir.

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