Lecture dialectique des gesticulations de Fillon
Le matinaute
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chronique

Lecture dialectique des gesticulations de Fillon

Il va falloir être dialectiques.

Penser dialectique. Et dès le matin, mal réveillés. Pour comprendre quelque chose au film, chacune de leurs annonces, chacune de leurs gesticulations, il faut désormais les envisager sous deux angles contradictoires à la fois. D'abord, un signal qu'ils nous envoient, pour nous dire (musique connue) qu'on dépense trop, qu'on cède trop à la facilité, avec nos retraites plantureuses, nos médicaments de confort, nos trente-cinq heures, nos écrans plats, pseudo-Grecs que nous sommes, sur les bords de la Seine, de la Loire ou du Rhône. Cette musique, oui, est connue.

Mais quand ils gesticulent, comme Fillon hier, quand ils sémaphorisent gel, rigueur, effort, sacrifice, coup de rabot implacable, personne ne sera épargné, pas d'augmentation des dépenses de l'Etat pendant trois ans, ils ont un autre public. Je vous en parlais ici. Je me répète, mais la répétition est la base de la pédagogie. D'autres télespectateurs de l'ombre, sur des canapés invisibles, nommés Fitch, Moodies, et Standard and Poor (sans oublier, comme le rappelle Les Echos, qu'il s'agit peut-être aussi d'un coup de pied sous la table aux collectivités locales, ces scandaleuses cigales). Vous ne le saviez pas ? Moi non plus. Et peut-être eux-mêmes non plus, jusqu'à ces dernières semaines. Ils ont appris à les découvrir. Ils ont appris que ces trois-là, on ne les grugeait pas aussi facilement que Bruxelles. Et donc, ils transposent. Gruger Bruxelles sur le déficit, on savait faire (pour ceux qui ne l'ont pas encore vue, revoyez le mode d'emploi, par le sénateur UMP Alain Lambert). Et puis Bruxelles, c'est la famille, et les cousins ne font pas mieux que nous. Mais gruger ces trois-là, ça risque d'être une autre paire de manches. Bref, il faut désormais donner deux fois la représentation.

Se souvenir de ce deuxième public permet seul de comprendre la passe d'armes de ce matin, entre Chatel, porte-parole du gouvernement, et Aphatie. La non augmentation des dépenses de l'Etat signifie-t-il la stagnation en valeur absolue des salaires des fonctionnaires ? demande Aphatie. Il fallait entendre Chatel s'efforcer de ne pas répondre à cette question précise. Au début, on se disait qu'il s'efforçait de ne pas annoncer cela, la baisse des salaires des fonctionnaires, en valeur absolue, les trois prochaines années. Et puis à la fin, on se rend compte qu'il veut aussi éviter de faire l'annonce inverse : oui, certains traitements, dans la fameuse période de trois ans, continueront d'augmenter. Toute son énergie est employée à éviter de prononcer la phrase qui éveillera la méfiance des télespectateurs de l'ombre. Attention : cela ne veut pas dire qu'il faut rester l'arme au pied. Pour complaire aux agences de notation, ils vont évidemment être obligés de traduire partiellement leurs gesticulations en actes, en coupes, en suppressions. Cela veut simplement dire qu'il faut savoir pourquoi ils parlent comme ils parlent. Comprendre qu'ils sont à la fois libéraux et paniqués. Bref, être dialectiques. Oui, dès le matin.

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