Interview Tusk : pourquoi Le Monde a publié deux versions
Brève

Interview Tusk : pourquoi Le Monde a publié deux versions

Pourquoi Le Monde a-t-il supprimé un passage significatif de l’interview du président du Conseil européen Donald Tusk ? Parue initialement sur le site du quotidien le 16 juillet, l’interview a été modifiée pour la version papier en date du 18 juillet mais aussi sur le site Internet. A l’origine, Tusk se disait inquiet des risques de contagion idéologique suite aux derniers épisodes de la crise grecque puisqu’apparaît l’idée qu’on peut construire une alternative à l'austérité. Dans la version corrigée, ces propos ont été remplacés par d’autres. Pourtant ils ont bien été tenus par Tusk, assure le journaliste du Financial Times présent également lors de cet entretien.

Caviardage en règle ? L’interview du président du Conseil européen Donald Tusk publiée à l’origine sur le site du Monde a été passablement modifiée avant son passage dans la version papier. Le quotidien ne s’en cache pas et le précise dans cette mise à jour à l'article en ligne : "une première version de cet entretien a été publiée jeudi 16 juillet. Le texte a été réédité et mis à jour vendredi 17 juillet pour les besoins de l’édition du Monde daté du 18 juillet". Les propos ont été recueillis par la correspondante à Bruxelles Cécile Ducourtieux – hyper productive comme nous le racontions dans notre enquête consacrée à la couverture journalistique de la crise grecque – et c’est un morceau significatif de l’interview qui a été remplacé.

Selon la copie des deux versions qui circulent (notamment sur le compte twitter d'Alexandre Alaphilippe), dans la première, Tusk se disait "inquiet des risques de contagion politique et idéologique. Avec ce qui se passe en Grèce, est apparue l’illusion idéologique qu’il est désormais possible de changer le cours de l’Europe, qu’on peut construire une alternative à la vision traditionnelle de l’Europe, au discours sur l’austérité". Dans la seconde, fini l’inquiétude, fini l’alternative à l’austérité. Ce passage a été remplacé par celui-ci : "parfois, il me semble que certains politiciens et quelques intellectuels en Europe sont prêts à remettre tout en question en Europe, les traités, mais aussi la façon traditionnelle de penser l’Europe, la construction européenne et nos valeurs. La Russie n’est pas l’élément le plus important de cette menace".

Ces propos ont bien été tenus par Tusk, assure le correspondant du Financial Times à Bruxelles, Peter Spiegel. Sur son compte twitter, il suppose que la première version du Monde a été modifiée par manque de place et renvoie vers son article.

Une suppression par manque de place ou la volonté de nuancer les propos de Tusk ? "Je vais décevoir les lecteurs complotistes mais c’est un banal souci de place qui nous a contraints de remplacer ce passage par un autre", explique le directeur de la rédaction du Monde Luc Bronner, contacté par @si. Et de retracer l’histoire de ces deux versions : "l’entretien de Donald Tusk, suivi par plusieurs médias internationaux, était sous embargo jusqu’au jeudi soir. Nous l’avons publié en ligne ce soir-là". C’est le lendemain, en découvrant l’interview du président du Conseil européen dans un quotidien allemand – Bronner ne se souvient plus du titre mais peut-être est-ce la Frankfurter Allgemeine Zeitung – qu’il découvre le passage sur ces politiciens et intellectuels "prêts à remettre en question tout en question en Europe" et le trouve intéressant. Il souhaite l’intégrer à la version papier mais, par manque de place, est obligé de couper un autre élément.

"C’est un choix journalistique, concède Bronner, mais lié à une question technique : nous sommes limités par la place dans le journal papier. Si nous avions supprimé un autre passage, on aurait pu nous faire le même reproche, en nous accusant de minorer, par exemple, le côté conservateur de Tusk". Mais pourquoi ne pas avoir gardé la première version en ligne en y ajoutant le paragraphe intéressant ? Là encore, problème technique : "la version papier a écrasé la version publiée sur le site". Alors pourquoi ne pas remettre maintenant le passage passé à la trappe ? "Vous voulez dire publier une troisième version?" demande Bronner qui ne semble pas convaincu par cette solution. Il admet cependant qu’ils auraient dû faire davantage de pédagogie et expliquer, pourquoi pas dans un making-of, les raisons de ces deux versions. C’est chose faite, ici.

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