Leparmentier, Piketty, le retraité de Bavière et le décentrement
Brève

Leparmentier, Piketty, le retraité de Bavière et le décentrement

Et à la quinzième minute, face à Thomas Piketty, Arnaud Leparmentier dégaine son arme absolue :

le retraité de Bavière. "Que dites-vous aux retraités de Bavière qui hurlent qu'on annule leur retraite ?" Et, franchissant la frontière sans laisser à l'autre le temps de répondre : "Nous sommes d'accord pour dire que la dette grecque, c'est 700 euros par Français, ou pas ?"  Enfin on entre dans le vif du sujet. Enfin, après quinze minutes d'émission, Leparmentier pose à Piketty la question qui lui brûle les lèvres, enfin, sous Leparmentier le directeur adjoint de la rédaction du Monde, Arnaud le twittos ricaneur montre le bout du nez. Annulons leur dette, très bien, parfait, soit. Mais comment l'expliquer au retraité de Bavière ?

Certes, Leparmentier ne ricane pas. La récré Twitter est finie, on est rentré en classe, avec le prof. Mais il n'est pas interdit d'essayer de coincer le prof. D'autant que sur cette question des 700 euros, Piketty tente d'éluder : "la dette grecque, c'est un peu plus de 3% de la zone euro. C'est bien de raisonner en pourcentages". Leparmentier, insistant : "Mais pour les individus, est-ce que ça a un sens ou pas ?" Piketty, reprenant pied :  "Quand les dettes sont trop élevées, ça pèse sur la croissance de manière telle qu'il vaut mieux les annuler. La croissance qu'on va avoir en plus fera beaucoup mieux que de compenser cette annulation de dette".

Bien répondu (sur le retraité allemand, Lordon a d'ailleurs une autre réponse, que je vous laisse découvrir). Mais Leparmentier a déjà re-passé la frontière. "Reprenons. Le retraité allemand doit espérer de la croissance, OK. Mais qu'est-ce que vous dites au Slovaque, qui a un salaire minimum plus faible qu'en Grèce, une retraite plus faible qu'en Grèce, et qui pourtant doit contribuer au sauvetage de la Grèce ?" Piketty : "Je pense qu'il ne faudrait pas les mettre à contribution autant. Il faut une conférence sur la dette. Pas seulement les Grecs, mais aussi les Portugais et les Slovaques".

Et ça continue. Leparmentier : "Est-ce qu'il n'y a pas un problème général en Grèce de consentement à l'impôt ". Piketty, élude encore - :"l'Etat grec a besoin d'être modernisé"" -et décentre : "mais ne soyons pas hypocrites, même la France et l'Allemagne ont du mal à faire rentrer l'impôt des multinationales, en partie grâce à M. Juncker, quand il était Premier ministre du Luxembourg".

Que dit ce duel ? Que pour tous ceux qui, comme Piketty, tentent de ramer à contre-courant du gros bon sens majoritaire qu'exprime Leparmentier, le décentrement est certes nécessaire. Même si, dans l'affrontement argumentatif télévisé, c'est un canif contre un lance-missile, Piketty n'a pas d'autre arme que ce canif. Encore faut-il le manier habilement. Encore faut-il que ce décentrement n'ait pas l'air d'une esquive. Décentrer, oui, mais sans oublier de répondre à la mitraille centrée  de l'adversaire. Cela pourrait donner quelque chose comme : "700 euros ? Bien entendu, M. Leparmentier. Mais on les perdra de toutes façons, et on en a déjà perdu le double, du fait de notre incapacité à gérer la crise". Vaste programme.

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