Une catastrophe d'Etat, trois instantanés
Brève

Une catastrophe d'Etat, trois instantanés

Ce qu'il s'agit de montrer, dans les différentes mises en images qui suivent immédiatement la Catastrophe

, c'est la mobilisation et la compassion de l'Etat. Et de lui seul. Le chef de l'Etat présente ses condoléances dans la cour de l'Elysée. La caméra est braquée sur lui. Et sur lui seul. A sa droite, un grand type barbu, dont le haut du visage sort du cadre. La caméra s'en moque. Et le cadre reste ainsi fixe, de longues secondes durant. Il faut que François Hollande, dans son discours, nomme le roi d'Espagne à ses côtés, pour que la caméra, au bout de quelques secondes, réalisant peut-être sa gaffe, dézoome enfin lentement, restituant aux spectateurs tout le visage de Felipe VI.

Blanche est la table de la cellule de crise du ministère de l'Intérieur. Blanche est la lumière, blancs sont les fauteuils, au design futuriste. Ici, quoiqu'on soit dans l'hôtel particulier de la place Beauvau, aucune solennité. Ni dorure, ni moulure, ni même hiérarchie apparente. Aucune polémique, aucune passion non plus. Et étrangement, pas même de bouteilles d'eau -les participants doivent-ils oublier jusqu'à leurs corps ? Les ministres sont assis autour de la table, sur un pied d'égalité avec les dirigeants de la police, de la gendarmerie, des pompiers, de la protection civile. En dépit du faible nombre d'ordinateurs, on imagine que s'échangent ici davantage des informations techniques que des consignes. Et surtout pas le désordre des ordres et des contrordres. Tout respire l'efficace, le fonctionnel. Médical.

Qui a dessiné les uniformes des préfètes ? Le créateur de cette majestueuse cape fermée par une chaîne dorée à larges boutons d'or, de ce tricorne spectaculaire à feuilles de chêne, imaginait-il que Patricia Willaert, préfète des Alpes de Haute-Provence, se retrouverait un jour au pied d'un hélicoptère militaire dans un village de moyenne montagne, sa silhouette d'opérette se superposant avec l'image mentale d'un A320 réduit en miettes, en confetti, et de restes de corps déchiquetés ?

Il y a tout le reste, dans cette prodigieuse photo, prise par Anne-Christine Poujoulat, de l'AFP, où s'interpénètrent la lente majesté républicaine et l'efficacité des secours de terrain. Toute la pompe protocolaire, que masquait l'égalitarisme apparent de la "cellule de crise", reprend ici ses droits. D'abord bien sûr le parapluie, tenu par un aide du ministre de l'Intérieur, car le haut dignitaire, qui vient de descendre du Puma qui l'a amené de Marseille, ne saurait évidemment se mouiller le crâne, ni tenir lui-même le pébroque. Les autres têtes sont baissées sur les accidents du terrain -surtout, ne pas trébucher dans un moment pareil-, à l'exception de celles qui sont dirigées vers le personnage principal, dont le reportage du Monde nous annonce que sa tâche va notamment consister à aller visiter les lieux de la future chapelle ardente, où ont déjà été disposés des biscuits et des boissons, en prévision de la visite des familles. Jusqu'à la lente déclivité du terrain qui, à défaut d'un fond estompé, nous rappelle mezzo voce l'implacable nature montagnarde du drame.

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.