Nemtsov / Poutine : "ego effréné" de Mélenchon (Mediapart)
Les "parti-pris" de Mediapart "engagent leurs signataires". Interpellé sur la tribune de deux de ses journalistes, le président de Mediapart Edwy Plenel a jugé bon de rappeler que le texte n'engageait pas la rédaction dans son intégralité. Il faut dire que la charge est franche. Dans le "parti-pris" qu'ils ont co-signé hier, Fabrice Arfi et Antoine Perraud s'insurgent contre la position de Jean-Luc Mélenchon dans l'affaire Nemtsov – du nom de cet opposant russe assassiné le 27 février à quelques mètres du Kremlin.
La position en question ? D'abord, Mélenchon pointe du doigt les médias qui, "sans le début d’une preuve", ont "instillé" l’idée que Poutine serait l'auteur de cet assassinat. Ce qui le conduit à écrire qu'"après ce mort et sa malheureuse famille, la première victime politique de cet assassinat est Vladimir Poutine. Car il a été aussitôt traîné dans la boue par toute la presse «libre, éthique et indépendante» du monde entier". Deuxième point développé par Mélenchon : il regrette l'héroïsation d'un "voyou politique ordinaire de la période la plus sombre du toujours titubant Boris Eltsine", "libéral fanatique" qui fut le "principal artisan des privatisations de la période 1991-1993 qui furent en fait un véritable pillage", et appelait à manifester aux côtés du "raciste Alexey Navalny, leader libéral-xénophobe ultra violent". Conclusion du fondateur du Parti de gauche : "Cela ne justifie pas qu’on l’assassine. Mais cela devrait nous épargner d’être invités à l’admirer comme le propose grotesquement Le Monde."
Extrait du post de blog de Jean-Luc Mélenchon sur l'assassinat de Boris Nemtsov
L'argumentaire n'a visiblement pas convaincu Fabrice Arfi et Antoine Perraud. Dans leur tribune – qui a recueilli, en 24 heures, plus de 1200 commentaires –, ils écrivent : "Nous ne pouvons nous résoudre à un tel prurit politique tenant lieu de doctrine, de croyance et d'espoir." Mais tout autant que contre une ligne politique – celle d'une "gauche déboussolée, exaspérée, soudain devenue disponible pour escorter le pire" –, ils s'élèvent contre une personnalité. Les deux journalistes estiment qu'une "fascination pour la force guidant le peuple" pousse Jean-Luc Mélenchon "dans les bras" du chef d'Etat russe. Développant l'idée d'une fascination de ce dernier pour les "grands hommes" et l'autorité, ils vont jusqu'à dresser un parallèle avec Nicolas Sarkozy : "En notre Ve République, son accès au pouvoir serait le pendant, à gauche, de ce que fut, à droite, l'expérience sarkozyste: la rencontre d'un ego effréné avec des institutions pousse-au-crime".
C'est la première fois que des journalistes de Mediapart prennent aussi nettement parti contre Mélenchon. Mais dans le dossier russo-ukrainien, le site d'information a déjà dû justifier sa ligne éditoriale : début février, son directeur de la rédaction François Bonnet avait pris la plume pour défendre la rédaction, accusée par des commentateurs d'être un "valet de l'OTAN" obsessionnellement anti-Poutine.
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