Brève

Jeunesse sacrifiée ? Sociologues vs économistes

Anne-Sophie Jacques

10 juin 2014 Maj: 10 juin 2014

Les jeunes Français sont-ils sacrifiés ? A l’occasion d’une tribune parue dans Le Monde

daté d’aujourd’hui, les sociologues Louis Chauvel et Martin Schröder s’appuient sur les chiffres d’une étude menée dans 17 pays occidentaux pour montrer que l’écart du niveau de vie entre générations se creuse davantage en France qu’ailleurs, au détriment des jeunes. Des conclusions critiquées, toujours dans Le Monde, par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui mettent en avant l'importance de la solidarité au sein de la famille.

Les sociologues Louis Chauvel et Martin Schröder dénoncent, dans une tribune parue dans Le Monde du jour, le creusement des inégalités de générations en France. Pour eux, notre pays "a sacrifié sa jeunesse plus que n'importe quelle autre société développée, comme le démontre l'étude des niveaux de vie". Cette étude, menée sur 17 pays occidentaux, montre en effet que "depuis 1984, en France, par rapport à celui des sexagénaires, le niveau de vie relatif des trentenaires a perdu 17 %."

Selon les sociologues, "si la génération née en 1975 avait eu la chance de suivre la tendance de croissance exceptionnelle dont ont bénéficié les cohortes nées entre 1920 et 1950, ils bénéficieraient d'un niveau de vie 30 % plus élevé". Un chiffre qui situe la France au premier rang des inégalités, devant l’Espagne – qui est à 24% – et surtout loin devant les pays anglo-saxons et nordiques, y compris l’Allemagne.

Pourquoi un meilleur résultat chez nos voisins du nord ? Parce que "ces pays ont trouvé de meilleurs équilibres entre les âges. Tous ont préféré l'extension de l'investissement, s'il le faut au prix de plus d'inégalités, pourvu que le chômage des jeunes soit jugulé. La priorité a été mise dans le travail et l'avenir, plutôt que dans les droits liés à la séniorité, la protection des inclus, et l'intangibilité des retraites.'

Les sociologues sont catégoriques : "aucun pays n'est allé aussi loin que le nôtre dans cette maltraitance des nouvelles générations. Ce constat, déjà formulé par Chauvel sur notre plateau consacré à la mobilisation des étudiants lors de la réforme des retraites, est cependant loin d’être partagé. Interrogés par Le Monde, Henri Sterdyniak, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), dénonce un tableau "caricatural" car omettant les transferts financiers au sein des familles. Même point de vue pour Guillaume Allègre, également économiste à l’OFCE : ce dernier souligne que "les parents aident à payer le loyer, font des donations pour transmettre le logement… Evidemment, les familles aisées peuvent aider davantage. Quand on prend en compte ces transferts privés, les inégalités sont plus intragénérationnelles qu'intergénérationnelles."

Allègre y voit un discours décliniste et rappelle qu’en "1993, l'économiste Christian Saint-Etienne parlait déjà de «génération sacrifiée» à propos des 20-45 ans. Ce sont ceux-là mêmes, aujourd'hui, que l'on traite de privilégiés ! Ce qui est sûr, c'est que la société vieillit, que l'on accède plus tardivement au pic salarial : à 55 ans et plus à 40 ans, comme dans les années 1980." Reste que, pour Allègre, "les jeunes de 15-35 ans ont un niveau de vie supérieur à celui de leurs parents au même âge".