L'art bobo de Banksy
Brève

L'art bobo de Banksy

Dans la nuit de samedi à dimanche derniers est apparu à Cheltenham, charmante station thermale du Gloucestershire (Grande-Bretagne), un pochoir probablement dû à la main de l'artiste de rue Banksy :

Photo Gloucestershire Echo


Trois hommes en trench des années 50 semblent écouter ce qui se dit dans une cabine téléphonique. Pourquoi ce pochoir dans cette ville précisément, près d'une cabine téléphonique au-dessus de laquelle est fixée une parabole ? Parce qu'à quelques kilomètres de là se trouve le GCHQ, le Government Communications Headquarters. Autrement dit le service de renseignement électronique du gouvernement grand-breton, cité avec la NSA par Edward Snowden au Washington Post et au Gardian US. Lesquels ont justement reçu hier, pour ces révélations, le prix Pulitzer dans la catégorie Service public (le patron de ces lieux vous en parlait par là ce matin même).

Photos Jules Annan/Barcroft Medi
publiées sur le site du Guardian


Alors on se questionne, ici et là. Est-ce bien un pochoir de Banksy ? Probablement, oui. C'est du moins ce que pense Jonathan Jones, critique d'art au Guardian, qui qualifie cette oeuvre de « fade plaisanterie pour initiés lecteurs du Guardian ». Pour bobos, en quelque sorte.

Autrefois, écrit-il, « le graffiti était un art qui venait des tripes, grossier et menaçant. Maintenant c'est une blague fade pour initiés de la classe moyenne, tellement au fait du street art qu'ils sont ravis de découvrir un barbouillage sur leur mur s'ils pensent que ce peut être un bankable Banksy. »

Photo Gloucestershire Echo
Karen Smith, "mère de cinq enfants" et propriétaire
de la maison graffitée


Les propos de Karen Smith, propriétaire de la maison graffitée, semblent donner raison à Jones : « C'est réussi. Ça donne un peu de vie à cette rue. (…)Ma fille Sophie pense que c'est un Banksy. Mais j'ai parlé à des gens dans le quartier et tous ne sont pas du même avis. »

Jones enfonce le clou : « C'est probablement un Banksy. Pas seulement à cause du style du pochoir mais parce que c'est tout à fait lui de saisir un sujet politique à la mode (à la treizième heure) et d'en faire un message destiné, pardonnez-moi, à un public bourgeois de lecteurs du Guardian. Oh oui, il est bien de gôche, Banksy ! »

Ce que reproche plus fondamentalement Jonathan Jones à Banksy, « c'est de produire des images univoques, faciles à comprendre. Alors que l'art comporte nécessairement plusieurs strates de sens, de l'ambiguïté et du mystère. »

À l'appui de ses dires, cet autre pochoir apparu hier sur le site du graffiteur. Il représente des amoureux qui s'enlacent tout en consultant leurs téléphones intelligents :


Mobile Lovers est le titre de cette image qui ne présente en effet aucune ambiguïté, aucune incertitude. Selon Jones, Banksy s'est toujours attaqué à des sujets sans risques. Est-ce le cas de tous les artistes de rue ? Sûrement pas. Quand JR photographiait des Israéliens et des Palestiniens et quand il collait ces portraits géants sur les deux côtés du mur de séparation, il prenait de sacrés risques. De natures diverses. Et les réactions des passants, qui ne savaient pas toujours si tel ou tel portrait était celui d'un Israélien ou d'un Palestinien, nous montraient bien les strates de sens, l'ambiguïté et le mystère.

Mur de séparation côté palestinien,
après le checkpoint de Bethlehem

Mur de séparation côté israélien, barrière de sécurité


Aujourd'hui, JR photographie des inconnus afin de réaliser une installation au Panthéon. « Les portraits qui représenteront le mieux la diversité du monde contemporain composeront une mosaïque visible de l’extérieur sur le tambour du dôme, et à l’intérieur sur certaines parties du monument. L’ambition est de pouvoir tous les intégrer à l’œuvre finale ! L’ensemble sera inauguré prochainement », peut-on lire sur le site du lieu.

Quelques-uns des portraits qui recouvriront
le dôme du Panthéon


Aujourd'hui, l'art de rue est un truc de bobo dont Banksy est le plus célèbre représentant. Zoo Project n'avait pas prévu ça…

Merci à Miss Marple pour ses traductions.


L'occasion de lire mes chroniques intitulées L'art de rue de Banksy à New York et Israël-Palestine, un autre face à face, ainsi que mon Vite dit consacré à la disparition de Zoo Project.

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