Wes Anderson et la peinture, un mystérieux mystère
Brève

Wes Anderson et la peinture, un mystérieux mystère

Dans ma chronique intitulée The Grand Budapest Hotel ou le monde d'hier j'évoquais ce superbe MaccGuffin en forme de tableau intitulé Le Garçon à la pomme (un MacGuffin est un objet qui sert de point de départ à un scénario ; Hitchcock était le roi du MacGuffin, celui des Oiseaux, par exemple, est un couple d'inséparables, voir ce précédent Vite dit).


Une oeuvre inspirée, disais-je, par Johannes van Eyck pour le nom du soi-disant artiste (Johannes van Hoytl) et par Hans Holbein pour le portrait de trois quarts d'un personnage tenant un objet, assorti d'une phrase écrite en lettres d'or à hauteur des yeux :

Portrait d'un membre de la famille Wedigh
par Hans Holbein, 1532
Jeune homme inconnu à son bureau
par Hans Holbein, 1541


Un aimable @sinaute me fit remarquer que le portrait du garçon ressemblait furieusement aux autoportraits de Giorgio de Chirico qui lui aussi utilisait des sentences latines, quoique jamais écrites dans le décor à hauteur des yeux :




Je pondis donc une mise à jour de la chronique. Le même @sinaute insista, suggérant que ce portrait s'inspirait également du Jeune homme à la pomme de Raphaël pour la pomme, et du portrait de Ludovico Capponi par Agnolo Bronzino pour le costume :

Jeune homme à la pomme
par Raphaël, vers 1505
Portrait de Ludovico Capponi
par Agnolo Bronzino, 1551


Mouais, admettons. J'avais une autre idée, je pensais aux portraits réalisés par Otto Dix dans les années 20 sous l'influence de Hans Holbein, Dürer et Cranach. Mais je n'avais pas trouvé d'oeuvre suffisamment proche de ce Garçon à la pomme du Grand Budapest Hotel, aussi j'avais laissé tomber. Otto Dix, peintre allemand qui combattit pendant la Première Guerre mondiale et en fut durablement affecté, artiste phare de la Nouvelle Objectivité qui connut son heure de gloire dans les années 20 et 30 avant d'être persécuté par les nazis, collait pourtant parfaitement au film de Wes Anderson, mais bon…

Et puis le hasard, qui souvent vient à point nommé, me mit sous les yeux ce portrait de l'avocat Hugo Simons peint par Dix en 1925 :


Sa main, la même, inversée, que celle du Garçon à la pomme ! Euréka ! Le portrait du Garçon à la pomme était donc un mélange de Hans Holbein, Giorgio de Chirico, Raphaël, Agnolo Bronzino et Otto Dix.

Qui avait réalisé cette admirable peinturlure pour le film de Wes Anderson ? Son nom n'apparaît pas au générique, tel que retranscrit par l'incontournable site IMDb. What a mysterious mystery! L'information indispensable surgit lors de la consultation du site grand-breton hackneygazette où l'on peut lire que le peintre en question s'appelle Michael Taylor, qu'il est membre de la Royal Society of Portrait Painters, et qu'il a exposé à la National Portrait Gallery sise à Londres. On y apprend également que ledit Michael Taylor utilisa les services d'un jeune modèle nommé Ed Munro, un adolescent de quatorze ans élève de la Pineapple Dance School de Covent Garden qui rêve de devenir acteur et qui posa dans le costume représenté sur le tableau. Le voici, photographié ces jours derniers avec une pomme :


On notera que son visage s'est singulièrement allongé en un an, entre le moment où a été peint le portrait et aujourd'hui. Michael Taylor a-t-il forcé la ressemblance avec Giorgio de Chirico, ou bien s'agit-il d'une coïncidence ? Who knows? This is really a very very mysterious mystery

Des oeuvres de Michael Taylor sont visibles sur son site par ici.

CADEAU BONUS 3en1

1. Le tableau qui remplace le tableau volé est une parodie des oeuvres d'Egon Schiele :


2. Dans la suite de la comtesse Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis figurent deux oeuvres de Gustav Klimt, visibles derrière elle :

3. Le héros du film s'appelle Monsieur Gustave (avec un "e"), comme Gustav (sans "e") Klimt.

That's all, folks!


L'occasion de lire, oeuf corse, ma chronique intitulée The Grand Budapest Hotel ou le monde d'hier.

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