Des avions et des grands hommes
Brève

Des avions et des grands hommes

Deux preneurs d'otage se seront donc, toute une journée, emparés du système médiatique tout entier

, avec leurs querelles de place d'avion. Quels avions, combien de sièges, couloir ou hublot, viande rouge ou volaille ? Si tout le système BFMisé s'est précipité sur le "combien ça va coûter ?", à propos du double déplacement Hollande-Sarkozy pour se rendre aux obsèques de Mandela, ce n'est pas que les journalistes ou les rédacteurs en chef soient eux-mêmes scandalisés du coût de l'expédition du binôme. Habitués qu'ils sont eux-mêmes à voyager dans les avions privés des dirigeants, ils ne sont pas à quelques millions près. Mais sans doute ont-ils anticipé sur la réaction supposée de l'auditeur-téléspectateur. Sans doute supposent-ils "qu'en période de crise", l'auditeur-téléspectateur sera révolté par cette gabegie, de faire voler deux Falcone au lieu d'un.

Et s'ils se trompaient ? Si justement, pour une occasion comme la mort de Mandela, le citoyen-auditeur-téléspectateur-contribuable avait au contraire envie d'entendre parler d'autre chose que de gros sous ? On a beau, irréprochables démocrates que nous sommes, démocrates désespérément accrochés à la vieille démocratie formelle, et imprégnés pour couronner le tout de déterminisme marxiste, on a beau répudier toute notion de "grand homme", on a beau proclamer que ce sont les masses qui font l'Histoire et pas les dirigeants, reste une question incontournable : sans Mandela, l'homme Mandela, la personne Mandela, l'Afrique du Sud aurait-elle évité un bain de sang ? Mandela jouant le coup magistral d'enfiler le maillot des Spring Boks racistes, ou les incroyables séances télévisées de la commission vérité et réconciliation, autant d'images qui nourrissent cette question dérangeante.

Débarrassée de sa gangue d'hyperboles et de la boursouflure des éloges, et si cette mort était l'occasion de réhabiliter le "grand homme" ? On y pensait en entendant Régis Debray disserter longuement, ce matin, sur France Culture, sur cette notion, qui "humilie le démocrate, mais exalte le républicain". Le grand homme ? L'homme du refus, l'homme qui dit non, de De Gaulle qui a évité deux fois la guerre civile à Daniel Cordier s'embarquant pour Londres à vingt ans, en passant par Gracq contre la comédie littéraire, ou Snowden, ou même Villepin, se dressant à l'ONU contre le "mensonge impérial" fondateur de la guerre d'Irak. Villepin à l'ONU, combien d'avions ? Et Snowden à Moscou : des notes de minibar ? Mais où est donc passée cette grande disparue, l'admiration ?

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