Brève

Anti-douleurs : réunions infiltrées par les labos (presse US)

Gilles Klein

08 octobre 2013 Maj: 08 octobre 2013

Lobby pharmaceutique. C'est un scoop du Journal Sentinel de Milwaukee. Selon ce quotidien, les réunions scientifiques annuelles définissant les méthodes d'évaluation de la sécurité et de l'efficacité des médicaments anti-douleurs par le gouvernement américain ont été payées par les grands groupes pharmaceutiques qui y participaient. Cette information a été reprise hier à la Une par plusieurs journaux dont le Washington Post.

C'est un rituel. Depuis 2002, une organisation privée grassement payée par les grands groupes pharmaceutiques réuni chaque année les agences gouvernementales et des scientifiques sélectionnés. Le tout en présence des groupes pharmaceutiques pour définir les protocoles d'évaluation permettant de mesurer la sécurité et l'efficacité des médicaments anti-douleurs, ainsi que l'approbation de la mise sur le marché de nouveaux médicaments.

Ce qui est nouveau c'est que l'on en sait plus sur le fonctionnement de ces réunions. C'est un avocat de personnes décédées d'overdose due à certains médicaments anti-douleur dont ils étaient devenus dépendants, qui a obtenu de l'université de Washington, 409 pages d'emails détaillant le fonctionnement de ces réunions.

Cette histoire débute au moment où l'industrie pharmaceutique se plaint que les protocoles d'essai cliniques prenaient mal en compte l'efficacité de leurs anti-douleur. L'association IMMPACT fondée par deux scientifiques spécialistes des anti-douleurs, dont un de l'université de Washington a donc eu l'idée d'organiser ces réunions d'évaluation pour définir un consensus

Titre à la Une du Washington Post

"Des sociétés ont payé pour participer aux réunions du panel de la Food and Drug Administration"

Dans des hôtels de luxe, pendant deux jours, 30 à 40 personnes participaient à ces meetings qui rassemblaient les agences gouvernementales chargées des médicaments, des scientifiques et une dizaine de représentants des grands groupes pharmaceutiques qui pouvaient ainsi influencer les décisions du gouvernement.

Outre la présence de ces groupes pharmaceutiques, c'est l'organisation même qui pose question. Les organisateurs demandaient en effet 25 à 35 000 dollars à chaque groupe pharmaceutique, comme le montrent les e-mails. A ceux qui se plaignaient du coût élevé de leur participation, les deux scientifiques répondaient que ce prix était vraiment symbolique au regard de l'énorme avantage de la possibilité d'influencer les agences gouvernementales chargées de les contrôler. Le marché des médicaments anti-douleur représente 9 milliards de dollars par an aux USA.

Conséquence : addiction aux opiacés ?

Sur la tenue de ces réunions, une alarme avait été tirée dès 2003. A cette époque, un officiel du National Health Service (NHS) proposait même de faire les réunions sur le campus du NHS pour éviter les frais de location de salle dans un grand hôtel, et surtout d'ouvrir ces réunions à tous les scientifiques concernés. Le NHS s'inquétait aussi d'éventuelles critiques sur la présence des groupes pharmaceutiques et le principe du "pay for play" (payer pour participer).

Le Washington Post rappelle que la Food and Drug Administration (FDA qui participait à ces réunions) a été critiquée pour n'avoir pas su éviter l'épidémie qui rendu des malades ou des personnes bien portantes addict à certains anti-douleurs contenant des opiacés, comme par exemple de l'OxyCodone (considérée en France comme un stupéfiant). Le quotidien insiste aussi sur le fait que certains scientifiques touchaient 3 000 dollars pour intervenir et les deux organisateurs auraient touché 50 000 dollars pour l'organisation de chaque réunion. Il y en a eu 16 depuis 2002.