Comment le Washington Post a laissé passer sa chance (NYT)
Brève

Comment le Washington Post a laissé passer sa chance (NYT)

Pour Ross Douthat, chroniqueur au New York Times, le Washington Post avait toutes les chances de réussir, malgré la crise de la presse. C'est en refusant de jouer son rôle sur le net, et dans la politique nationale, que le journal s'est tiré une balle dans le pied, selon le journaliste. Le rachat du Post par le patron d'Amazon Jeff Bezos, dont nous vous avions déjà longuement parlé ici, ne suffit pas d'ailleurs à diminuer son scepticisme.

Le Post a laissé passer sa chance. C'est la thèse de Ross Douthat, chroniqueur au New York Times. Pour sa démonstration, Douthat s'appuie sur un extrait d'une série télévisée britannique, "Yes, Prime Minister", satire politique diffusée sur la BBC entre 1986 en 1998. Dans cette vidéo, James Hacker, interprété par l'acteur Paul Eddington, explique avec une grande acidité quel est le lectorat des principaux journaux britanniques. ("The Daily Mirror est lu par des gens qui pensent qu'ils peuvent diriger le pays, The Guardian est lu par des gens qui pensent qu'ils devraient diriger le pays The Times est lu est par les gens qui dirigent vraiment le pays").

Cette analyse comique ne pouvait s'appliquer directement au paysage médiatique américain de l'époque, où la zone géographique, plus encore que son identité, déterminait le plus souvent le journal que les citoyens lisaient. Avec l'arrivée d'Internet, le paysage médiatique américain s'est "britannisé", selon Douthat. La zone géographique a évidemment explosé (Internet permettant de tout lire, de partout), laissant le champ libre aux médias nationaux, à l'identité plus marquée.

Dans ce nouveau paysage médiatique, le Washington Post conservait toutefois un avantage: son emplacement. Si la famille Graham, qui possédait le titre depuis plus de 80 ans, a souvent insisté sur l'aspect local du journal, le Post est intrinsèquement national. Écrit dans la capitale fédérale des États-Unis, là où siège le Congrès et alors même que l'intérêt du public pour la politique a fait un bond ces dernières années, "il aurait été tout à fait naturel pour le Post de devenir, dans la grande chaîne des médias américains actuels, la lecture incontournable pour ceux qui dirigent le pays, veulent le diriger ou pensent qu'ils vont le faire", écrit Douthat.

Cette occasion, selon lui, s'est envolée en 2006 lorsque John Harris et Jim VandeHei ont quitté le Post pour fonder Politico, organisation américaine de journalisme politique basée dans la capitale américaine, qui diffuse son contenu via la télévision, Internet, la presse papier et la radio. Aujourd'hui, selon le chroniqueur, cela ne fait même plus aucun doute. "A Washington c'est Politico, plus que le Post, qui domine les conversations et s'est imposé comme la référence politique en trouvant une forme plus adaptée pour diffuser son contenu sur Internet", écrit-il.

Le rachat du célèbre quotidien américain par le patron d'Amazon pourrait-il changer la donne ? Douthat ne le croit pas. "Peut-être Bezos inventera-t-il une nouvelle façon de délivrer l'information et arrivera même à fusionner le Post et Amazon. Mais j'ai surtout l'impression que la meilleure chose que Bezos peut offrir à ce journal est plus démodée : de l'argent et les ressources nécessaires pour reprendre le contrôle d'un territoire abandonné à la concurrence. Pour que le Post prospère à nouveau, il faut que Politico s'effondre".

Par Robin Andraca

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