Grèce / TV : "c'est quand on la perd qu'on la découvre"
"C'est lorsqu'on la perd qu'on la découvre". La fermeture brutale de l’ERT puis sa réouverture ordonnée par le Conseil d’Etat cette semaine sont l’occasion pour la journaliste franco-grecque Angélique Kourounis, par ailleurs brièvement rencontrée par l’éconaute l’an passé à Athènes, de se livrer à l’analyse de la télévision publique grecque. Selon la journaliste, "jamais les Grecs n'ont autant regardé et écouté ERT que depuis qu'elle est fermée. Jamais les journalistes de ERT n'ont fait aussi bien leur travail que depuis la disparition du signal d'émission de la chaîne. Finis les ministres qui se succèdent en rang d'oignons dans les studios, envolés les communiqués de presse lus d'une voix monocorde, disparue l'autocensure qui faisait qu'on ne parlait pas de ce qui dérange de peur de perdre son boulot." |
Avant la fermeture, l’ERT était déchirée entre son côté télé d’Etat et son côté télé publique. La première était aux ordres des gouvernements successifs, que ce soit le Pasok (de gauche) ou la Nouvelle démocratie (de droite) actuellement au pouvoir et n’a permis "aucun travail de fond sur les sujets sensibles. Est-ce que la télévision publique grecque ou privée n'a jamais invité des ONG ou des militants qui s'opposent, arguments à l'appui, à la politique gouvernementale ?" Réponse : non. L’autocensure était de mise : "ainsi Yiannis Varoufakis, économiste réputé mais opposé au programme d'austérité, a été invité sur ERT. Mais avant de passer à l'antenne, la présentatrice lui a demandé, "afin d'éviter tout problème", de ne pas parler de la restructuration de la dette."
Mais parallèlement à cette télé d’Etat coexistait une télé publique : "c'est sur ERT que l'on pouvait voir les meilleurs documentaires et reportages grecs. C'est sur ERT que l'ont pouvait écouter des informations sobres sans superlatifs et justes. Enfin, c'est sur ERT et nulle part ailleurs que l'on pouvait voir autre chose que des séries américaines comme par exemple des retransmissions de concerts, de ballets, de pièces de théâtre, des films cultes ou même d'avant-garde européens. Enfin c'est ERT et personne d'autre qui retransmettait jusque dans les villages les plus reculés, les îles les plus isolées."
Pour Kourounis, "ce qui se passe à ERT symbolise ce qui se passe dans tout le pays" : "oui les Grecs veulent des réformes qui viendront à bout de la corruption, de la bureaucratie, des réformes qui instaureraient enfin la méritocratie dans l'administration. Ils veulent une police citoyenne, une école publique performante, des hôpitaux accueillants. Pas des réformes qui les mettent à genoux et qui creusent la récession. C’est pourtant ce qui se passe. Idem pour ERT, elle doit être reformée pas fermée à la hussarde en pleine nuit par la police qui prend l'émetteur". En conclusion, la journaliste veut espérer : "c'est peut-être l'occasion ou jamais de faire redémarrer une vraie télévision publique."
Si vous avez manqué la fermeture de l’ERT, vous pouvez regarder l’émission consacrée à la télé publique grecque, ou notre émission avec Angélique Kourounis, @ux sources des bobards
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