Gouvernement US contre agences de notation
Brève

Gouvernement US contre agences de notation

L'information n'a pas fait les gros titres en France, mais elle a fait la Une du New York Times. Le gouvernement américain a porté plainte contre Standard & Poor’s, la plus importante agence de notation financière qui domine le marché avec Moody's et Fitch. Tous trois représentent 90 % du marché.

Le ministère de la Justice US a lancé une procédure contre l'agence de notation financière Standard & Poor’s (S&P, 10 000 employés) la semaine dernière, estimant qu'elle a bien noté des emprunts toxiques qui ont contribué à la crise des subprimes.

Dans un point de vue publié aujourd'hui page 15, un chroniqueur du Washington Post estime que l'administration Obama s'est lancée dans une vendetta contre S&P.

"La procédure de l'administration Obama contre S&P sert à faire des gros titres et des articles faciles. Nous voulons mettre la crise financière et la grande récession au compte de la cupidité et la malhonnêteté. L'accusation que S & P a truqué ses notations pour gagner de l'argent — en mettant des notes artificiellement élevées sur les titres adossés à des hypothèques qui ont gonflé la bulle du crédit — correspond à ce conte moral. La réalité est moins confortable, : l'effondrement financier résulte d'une longue période de prospérité, ce qui conduit à des critères d'emprunts moins stricts en faisant des voeux pieux pour que la croissance économique dure."

Il existe, en effet, un contentieux entre l'Etat fédéral et S&P depuis que l'agence a abaissé la notation de la dette publique des USA en août 2011. De plus S&P s'était trompé dans les calculs qui l'avaient amené à cette note : une dette de plusieurs milliers de milliards de dollars avait été comptée deux fois.

La France a aussi été victime d'une erreur de S&P qui a annoncé, à tort, le 11 novembre 2011 la supression de sa notation AAA. Cette suppression interviendra finalement, mais trois mois plus tard, le 13 janvier 2012.

 

L'annonce de la plainte contre S&P a fait la Une du New York Times le 5 février, sur une colonne à droite.

Dans sa plainte contre S&P, le ministère de la Justice l'accuse d'avoir, entre septembre 2004 et ocotobre 2007 "en connaissance de cause et avec l'intention de frauder, conçu, participé, et exécuté un plan visant à tromper les investisseurs" et fait croire à tort que ses notations sur des produits financiers toxiques à l'origine de la crise des subprimes "étaient objectives, indépendantes, et faites sans se laisser influencer par des conflits d'intérêts ."

Dans un premier temps, note l'éditorial du New York Times du 6 février, le gouvernement demandait à S&P 1 milliard de dollars et une reconnaissance de culpabilité sur au moins une des accusations. Mais S&P a refusé. Du coup l'Etat fédéral attaque S&P devant un tribunal de Los Angeles et demande 5 milliards de dollars à S&P et à sa maison-mère McGraw-Hill.

Constatant que c'est la première fois qu'un Etat attaque une agence, et qu'en plus de l'Etat fédéral, une dizaine d'Etats américains pourraient se joindre à la plainte, l'agence Fitch a abaissé la note de MacGraw-Hill, la maison mère sa concurrente S&P. Et ce n'est pas fini, l'Etat fédéral et d'autres plaignants, envisagent de porter plainte contre Moody's, l'autre grande agence de notation aux Etats-Unis. En 2011, c'est S&P qui mençait de dégrader Moody's...

En tout cas, les enquêteurs du ministère de la Justice ont de quoi étayer leurs accusations comme le note le quotidien Le Devoir aujourd'hui :

"De tous les documents qui émaillent la plainte, un a retenu particulièrement l’attention tant il résume combien S&P a cultivé le mépris de la moindre convention. Dix-huit mois avant que la bulle immobilière éclate en 2008, un analyste prévient, sous la forme d’un pastiche de Burning down the House, la chanson du groupe The Talking Heads, que l’édifice construit à coups de subprimes va s’écrouler. D’autres le confirment et que fait l’un des patrons de S&P ? Il leur ordonne de « trafiquer » les paramètres des équations afin qu’ils soient au diapason de l’intérêt de la compagnie. Le client ? On s’en moque."

"Résultat, le jour de la faillite de Lehman Brothers, soit le 15 septembre 2008, l’entreprise n’avait toujours pas été décotée. Ni Countrywide, énorme consommatrice de subprimes, ni Washington Mutual, qui elles aussi ont sombré, n’ont été alertées. L’énorme conglomérat d’assurances AIG jouissait du triple AAA avant… Le gouvernement a dû déposer 150 milliards dans la cagnotte de cette dernière afin de lui éviter la mort et surtout le risque systémique qu’elle aurait provoqué dans le monde entier."

La presse française plus discrète

Si l'information a fait moins de bruit en France, Le Figaro du 7 février, lui a quand même consacré près d'une demi-page :

"À défaut d’engager un procès pénal, les procureurs fédéraux l’attaquent au civil et, avec leurs collègues de seize États américains, lui réclament plus de 5 milliards de dollars, soit plus de cinq fois ses profits réalisés en 2011 !"

"Un jury populaire à Los Angeles devra déterminer si S & P a délibérément menti et caché les risques de ces obligations et produits dérivés dans le but de s’enrichir et de gruger des milliers d’investisseurs."

"À ce jour, aucune banque américaine n’a été inculpée et condamnée de fraude devant un tribunal pénal pour son rôle dans la crise financière de 2008."

Le Monde écrivait sur 2 colonnes le 7 février "qu'à l'intérieur de l'agence de notation, et ce dès 2004 et sans conteste à partir de 2006, beaucoup savaient que les titres de dette immobilière auxquels S&P attribuait les meilleures notes étaient en réalité profondément toxiques".

Les Echos d'aujourd'hui 11 février notent page 29 qu'alors "que l’action de McGraw-Hill, maison mère de S&P, chutait de 27% la semaine dernière, après l’annonce des poursuites par Washington, le titre Moody’s perdait 22%. Fitch, coentreprise entre Fimalac et le groupe de médias Hearst, n’est pas coté."

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