Gaz de schiste : lobbying, mode d'emploi ?
Brève

Gaz de schiste : lobbying, mode d'emploi ?

Et si Jérôme Bonaldi pouvait dire du bien des gaz de schiste ? C'est l'une des pistes évoquées dans un rapport de l'Association de l'Ecole de guerre économique (AEGE) censé vanter les mérites de cet hydrocarbure. Un dossier complet de lobbying commandé par Total ? L'entreprise a démenti, l'école également comme l'a rappelé Libération : il ne s'agissait que d'un travail d'étudiants. Mais le site Whistle.is, qui a ressorti le document, maintient ses accusations et dénonce une campagne de désinformation.




Le document, daté du 8 juillet 2011, est intitulé "L'intérêt du gaz de schiste pour la France". Un rapport de 61 pages censé démontrer le bénéfice des gaz de schiste. Et l'introduction de ce document issu de l'AEGE, présentée comme un "réseau d'experts en intelligence Economique" est explosive : "Notre cabinet d'IE [Intelligence Economique] a été mandaté par TOTAL pour réaliser une analyse critique sur le dossier des gaz de schiste. A partir d'une analyse critique des enjeux et des éléments de langage des soutiens et des détracteurs de l'exploitation du gaz de schiste, nous avons élaboré une campagne de contre information à mener contre les détracteurs de cette activité en France". On ne saurait être plus clair.

L'un des chapitres du rapport est intitulé "proposition d'action de contre information". On y apprend que l'AEGE suggère de "constituer un collectif pluridisciplinaire" composé de scientifiques, philosophes, responsables politiques, économistes, sociologues" pour "dépassionner le débat". Et le rapport a une idée très précise de ce que doit dire le collectif puisqu'il livre une "argumentation et des éléments de langage" (page 36). Exemple : "les procédés d'extraction des gaz non-conventionnels sont totalement fiables", "la fragmentation hydraulique", technique jugée comme extrêmement polluante par les anti-gaz de schiste apparaît presque comme non-polluante avec des précisions sur les additifs chimiques "d'origines naturelles", "retraités dans des stations d'épuration". Conclusion : "le gaz de schiste étant du gaz naturel, il constitue donc une énergie fossile parmi les plus propres".

Les éléments de langage étant donnés, le rapport préconise ensuite de les diffuser, d'abord au milieu scientifique via "un site, un forum réservé aux chercheurs, l'intervention de chercheurs dans les émissions télévisées relatives au sujet".

Pour le grand public, il faudrait recruter "un ambassadeur qui soit à la fois scientifique et populaire (type Jérôme Bonaldi)", créer un site, un blog, une page Facebook du collectif et une page wikipedia.

Ce document de juillet 2011, en libre accès, a été relayé par les opposants au gaz de schiste. Le 18 janvier 2012, le collectif "Stop au Gaz de schiste" a par exemple dénoncé "des actions de contre information". Six mois plus tard, au moment où les pro-gaz de schiste semblent repartir à l'offensive, le document a refait surface. Le 6 août 2012, la version française du site Whisle.is (qui se présente comme une contre-agence de presse analysant les informations diffusées) publie un long article revenant sur ce travail de lobbying soi-disant commandé par TOTAL.

Le 8 août, ce rapport est relayé sur twitter par Michèle Rivasi, eurodéputée EELV :

Sauf que la veille, le 7 août, Marc Préel, journaliste à l'AFP, avait qualifié ces accusations de lobbying de "rumeur" sur twitter :


L'un des auteurs du rapport confirme sur twitter :


Et trois jours plus tard, le 10 août, une nouvelle version du rapport (document PDF) était éditée avec cette précision : "Cette étude fictive a été réalisée par des étudiants de l'Ecole de Guerre Economique, dans le cadre d'un exercice universitaire. Les noms des sociétés, entreprises, personnes réelles citées dans cet exercice ont été utilisés à titre purement illustratif. Ces sociétés n'ont jamais commandité ni été informées de l'existence même de cette étude, à visée purement pédagogique et interne à l'Ecole de Guerre Economique". En bas de page, la mise au point est encore plus explicite : cette "étude fictive" a été réalisée par des étudiants et "n'engage en rien Total, qui n'en a jamais eu connaissance". Dans la nouvelle version du rapport, le nom de l'entreprise a été remplacé par "Entreprise du secteur énergétique".

De son côté, Total a également démenti avoir commandité tout rapport, et ce pour la deuxième fois en un an selon Libération. Fin de l'histoire ? Non, car le site Whistle.is en a remis une couche dans un article non signé. Pour ce site, la plupart de ces travaux sont destinés aux entreprises concernées. Sur le site de l'EGE, il est indiqué qu'"avec l'accord des étudiants, les meilleurs exercices (d'une durée de deux semaines à 6 mois) font l'objet d'une communication aux autorités publiques concernées ou aux managers des entreprises étudiées". Est-ce le cas avec celui-ci ? L'école assure que non, Whistle.is en doute.

Un nouvel élément pour notre dossier : "Nucléaire, gaz de schiste, brûlants débats".

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