La chronique aboie, Le Caravage ne passe pas
Brève

La chronique aboie, Le Caravage ne passe pas

Détail de David brandissant la tête de Goliath
par Le Caravage, vers 1606 ou 1610

On en parlait sur @si le 6 juillet dans une chronique intitulée On a retrouvé les dessins du Caravage... et le crâne de Mozart enfant, des chercheurs italiens avaient soi-disant retrouvé des croquis de Caravage à Milan.

Le mystère de Caravage, si diaboliquement habile qu'il attaquait ses compositions directement à la peinture sans jamais réaliser de dessin préparatoire ! Et on a des dessins ? Sûr ? C'est du lourd pour l'été, ça, coco ! Allez vazy, copie-colle la dépêche AFP ou la dépêche Ansa et roule ma poule.

C'est ainsi que la nouvelle fut reprise, dans le monde entier. Des centaines de journaux papier et/ou ouèbe répercutèrent le scoupe en or massif sans se donner la peine de vérifier le sérieux de cette affirmation dont tout laissait pourtant à penser qu'elle n'était que fumisterie. Un seul s'énerva dès le 5 juillet et c'est Didier Rykner de La Tribune de l'Art, dans un article intitulé Autour de Caravage, le délire continue...

Depuis, on assiste à un réjouissant rétropédalage, une de ces manœuvres arrière dont la presse a le secret. Prenons pour exemple LeFigaro.fr.

5 juillet 2012, 18h17

Le quotidien reprend sur son site la dépêche AFP, Milan : découverte de dessins du Caravage :


6 juillet 2012, 12h14

Un autre article de la même eau titré Dessins du Caravage : « Ce serait une révolution » :


Ledit article cite Éric Biétry-Rivierre, journaliste au service culture du Figaro : "si les feuillets étaient authentifiés par la communauté d'experts, le mythe du virtuose s'écroulerait. Le Caravage était réputé ne pas avoir besoin de dessins préparatoires pour se lancer dans la réalisation de ses tableaux".

6 juillet 2012, 17h54

Quelques heures plus tard, le même, qui a sans doute lu entre-temps La Tribune de l'Art et peut-être même @si, publie un article beaucoup plus prudent intitulé Le Caravage fait fantasmer l'Italie :

Article dans lequel il reprend, sans le citer, les arguments de Didier Rykner publiés la veille :

"Mais plutôt que de conforter leur hypothèse par un débat, les auteurs ont préféré la valoriser rapidement. Depuis jeudi, ils la vendent en ligne sous la forme d'un ebook de deux volumes en quatre langues. (…) « Le jeune artiste avait quitté Milan avec des standards, des modèles prêts à être utilisés dans ses peintures romaines », assurent les chercheurs. Ce n'est pas absurde. Toutefois cette conclusion, comme aucun de leurs commentaires, n'est encore cautionnée par Gianni Pappi, Mina Gregori ni aucune des autres autorités internationalement reconnues dans le domaine. Cette façon de procéder jette ainsi le doute sur l'ensemble de l'entreprise."

Ailleurs et plus tard, on s'énerve un tantinet :

7 juillet 2012, 15h01

Le site italien Finestresullarte.info fait paraître un article sur le sujet intitulé I disegni di Caravaggio: le ragioni per dubitare (Les dessins de Caravage : les raisons de douter) qui remet les pendules à l'heure :


9 juillet 2012

Courrier international reprend un article de Tomaso Montanari (historien d'art), originellement publié dans Il Fatto Quotidiano, Caravage : un grotesque canular :


Sauf qu'il s'agit plus d'une escroquerie que d'un canular…


9 juillet toujours

C'est au tour de Libération d'y aller de son furieux scepticisme avec un titre qu'il nous aura plagié par anticipation : La critique aboie, 107 Caravage passent. Le chapô annonce la couleur : "La fumeuse « découverte » de dessins du maître italien provoque un tollé dans le monde de l’art" :


Et Vincent Noce, de détailler dans son article toutes les raisons donnant à penser qu'il ne s'agit que de billevesées et de conclure par ces mots : "Tout en vendant leur ouvrage en quatre langues, [les auteurs de cette fumeuse découverte] démentent toute velléité d’« opération commerciale ». On ne saurait trop conseiller de les entendre, en s’abstenant de débourser les 28,50 euros résumant leurs élucubrations."

Et pan dans les dents.

Nul doute que d'autres articles balayant cette découverte bidon paraîtront bientôt ici ou là. Mais aurons-nous droit à une dépêche rectificative de l'AFP, voire de l'agence italienne Ansa qui avait acheté l'exclusivité de cette mirifique nouvelle ? Qui sait…

Et puis tout de même, qu'en est-il de cette autre découverte inespérée, celle du crâne de Mozart enfant ?

Eh bien aux dernières nouvelles il s'agirait en fait du crâne de Voltaire à l'âge de dix-sept ans, conservé depuis des lustres dans le musée Alphonse Allais sis à Honfleur au premier étage au-dessus de la pharmacie familiale. Avec "un authentique morceau de la fausse croix de N.S. Jésus-Chist" et "une tasse avec l'anse à gauche, fabriquée spécialement pour un empereur Ming, qui était gaucher" (voir par là).


Damnaide. Encore un faux scoupe.

 

L'occasion de lire, bien évidemment, ma chronique intitulée On a retrouvé les dessins du Caravage... et le crâne de Mozart enfant.

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