"Trop d'immigrés ?" : "monstruosité" de la question (blog Obs)
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"Trop d'immigrés ?" : "monstruosité" de la question (blog Obs)

"Y a-t-il trop d'immigrés en France?

". La question a été posée plusieurs fois à François Hollande, notamment par David Pujadas dans l'émission "Des paroles et des actes", dans deux émissions successives.Selon Bruno Roger-Petit, ex-présenteur de France 2, cette question trahit un réflexe "sarkoziste".

"Trop d'immigrés en France ?" La question a encore été posée ce mercredi matin par Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Hollande a répondu : "Il n’y a pas trop d’immigrés en situation légale en France. (...) S’il est dit : il y a trop d’immigrés en situation légale, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que Nicolas Sarkozy qui défend cette thèse aurait à en expulser avec des titres de séjours ? Ça n’a pas de sens."

En revanche, il ajoute : "Il y a trop d’immigrés en situation irrégulière. Nous ne pouvons pas accepter que des hommes et des femmes, même mus par la détresse ou la misère, viennent s’installer sur notre territoire sans avoir les conditions légales d’y être accueillis."

Dans l'émisssion Des paroles et des actes du 26 avril, Pujadas avait déjà posé la même question à Hollande. Un échange "exemplaire des années télés Sarkozy qui s'achèvent", remarque Bruno Roger Petit sur le Nouvel Obs.

Estimant que Hollande n'a jamais répondu clairement sur le sujet, Pujadas rediffuse un extrait d'un ancien numéro de "Des paroles et des actes" et lui demande ensuite, en retour plateau, de répondre à nouveau à la question.

picto Voici l'extrait de l'émission, les premières secondes correspondant à l'extrait diffusé à Hollande pour le "piquer".

Roger-Petit distingue trois phases dans l'échange. Une première phase, dans laquelle, à la suite de l'extrait, "David Pujadas se place d'emblée sur le terrain émotionnel, subjectif, affectif, champ d'interview politique clivant typique des années Sarkozy : "J'aime, j'aime pas, je supporte, je supporte pas, les bons qui travaillent, les mauvais qui travaillent pas", etc.'. "Habitué au même code médiatique depuis dix ans, il pose en principe que tout politique fonctionne politiquement et médiatiquement de manière identique. Le monde médiatique sarkozyste dans lequel baigne Pujadas depuis longtemps se résume une émotion binaire. Donc, de son point de vue de journaliste, Pujadas estime impensable de ne pas répondre par "oui" ou "non" à une question qu'il présente lui-même comme révélatrice d'une "conviction"."

Une deuxième phase, dans laquelle Hollande, de son côté, "n'entend pas se situer sur le même terrain". Non pas sur le champ de l'émotion, mais sur celui "le plus objectif qui soit, celui du droit", note Roger-Petit."S"il y a des étrangers qui sont en situation légale, on dit qu'il y en a trop ? Ça veut dire qu'il faut expulser ceux qui sont en situation légale ?" rétorque Hollande.

Mais Pujadas insiste, lui demandant "sa conviction", ou même son "sentiment", "dévoilant, sans le mesurer, son habitus médiatico-politique gavé par dix ans de sarkozysme médiatique" souligne Roger-Petit. Le dialogue se poursuit :

Pujadas : Mais là on parle de politique !

Hollande : Mais je ne vous parle pas de politique, je vous parle de droit !

Pujadas : Une conviction, un sentiment ?

Hollande : Je ne fais pas de conviction et de sentiment, je parle de droit !

Pujadas : Mais vous, au fond de vous, qu'en pensez-vous ?

Hollande : Je vous dis qu'on ne peut pas expulser un étranger en situation régulière.

Au final, Pujadas conclut l'échange : ""Bien, on ne connaîtra pas votre conviction". "Erreur fatale" de Pujadas, selon Roger-Petit."C'est l'instant que choisit Hollande pour sortir l'arme fatale, en bon dialecticien mitterrandien qu'il est : renvoyer Pujadas à la monstruosité intrinsèque de sa question, le tout en haussant le ton : "Si je réponds oui à votre question, il y a trop d'étrangers, alors ça veut dire quoi ? Quelle est votre réponse ? Y a trop d'étrangers, et qu'est-ce que je fais ?" Puis, il marque la pause d'une demi-seconde qui accable Pujadas, le fixant droit dans les yeux. Le plan de coupe sur le présentateur de l'émission vaut aveu : le sourire un peu arrogant s'est effacé, l’œil brille moins et le sourcil triomphant est retombé."

Pour Roger-Petit,cet échange reflète deux conceptions de la politique et de sa médiatisation : "d'un côté, l'émotion, le subjectif, l'affect, le ressenti, le clivage et la stigmatisation des uns et des autres, conformes à l'air du temps et de la décennie écoulée. De l'autre, un homme politique qui entend, en président "normal" qu'il prétend devenir, ramener la politique et la vie publique dans un autre champ que celui de l'émotion, celui de la raison et du droit." Une autre analyse pourrait toutefois voir dans cet extrait une gêne de la part de Hollande, qui s'abrite derrière le droit pour ne pas répondre à une question glissante.

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