Ouvéa : le Fig Mag contre Kassovitz
Brève

Ouvéa : le Fig Mag contre Kassovitz

Le Figaro Magazine

mène la charge contre le film de Kassovitz sur le drame d'Ouvéa, L'ordre et la morale, dont nous vous parlions ici.

Sans surprise, dans la polémique autour de cette prise d'otages de gendarmes par des indépendantistes kanaks, l'hebdomadaire prend parti pour la position gouvernementale de l'époque, qui consiste à défendre le bien fondé de l'assaut dans la grotte, à nier toute exaction, et considère le film de Kassovitz comme prenant le parti des Kanaks.

Le journaliste Thierry Deransart liste ainsi ce qui serait selon lui des "mensonges" de Kassovitz. Mais en omettant lui-même certains éléments et en ne donnant jamais la parole à la partie adverse, dans un débat qui, faute d'éclaircissement à cause de l'amnistie prévue par les Accords de Matignon, n'est que parole contre parole. Encore faut-il donner les deux versions.

Parmi les prétendus "mensonges" de Kassovitz, les exécutions de Kanaks post-assaut. "A voir le film qui sort mercredi, l'armée s'est déshonorée : sur les 19 preneurs d'otages indépendantistes tués à Ouvéa, 5 auraient été froidement exécutés à l'issue des combats", écrit l'auteur de l'article. (…) Or, tous les participants de l'opération Victor que nous avons pu rencontrer et interviewer depuis, quelle que soit leur arme d'appartenance, sont formels sur un point : aucun coup de feu n'a été entendu sur zone après la fin de l'assaut et la libération des derniers otages".

L'auteur aurait pu mentionner que plusieurs témoignages de Kanaks affirment le contraire dès 1988, et que l'ancien patron du GIGN Legorjus affirme que deux militaires lui ont confié avoir exécuté des Kanaks, comme nous le précisions ici. En outre, le procureur de Nouméa avait ouvert une enquête en 1988, qui avait conduit à l'exhumation des corps de plusieurs Kanaks, afin de connaître les circonstances de leur mort, enquête annulée par l'amnistie des Accords de Matignon.

Autre élément avancé par Deransart, le film ne rappelle pas qu'avant la prise d'otages, en 1987, un référendum d'autodétermination avait vu la victoire des loyalistes à 98,3%. "Une large majorité absolue s'est prononcée contre l'indépendance, faisant au passage voler en éclats le mythe d'une communauté mélanésienne entièrement acquise à la cause de Kanaky", écrit le journaliste. Pas si simple, puisque la communauté mélanésienne n'a pas vraiment voté dans son ensemble: le FLNKS, parti indépendantiste, avait appelé au boycott du scrutin. Résultat, selon Le Monde du 15 septembre 1987, on pouvaitt lire que "dans l'ensemble, le mot d'ordre de boycottage lancé par le FLNKS a été bien suivi dans les communes peuplées en majorité de Canaques. Le taux d'abstention a été nettement supérieur à 50 % dans les trois régions dirigées par les indépendantistes (54,68 % dans le centre, 67,27 % dans le nord, 75,09 % aux iles Loyauté)". Avec un tel taux d'abstention, le résultat, certes démocratique, se doit d'être nuancé.

Deransart remet également en cause l'opposition "gentils gendarmes contre militaires sadiques", que l'on perçoit dans le film, qui montre des scènes d'interrogatoire musclé pour obtenir des informations sur le lieu de séquestration des otages. Le GIGN a-t-il été plus respectueux des droits humains que l'armée, comme le sous-entend le film ? Sur ce point, l'ex-patron du GIGN Legorjus reconnaissait à demi-mot dans notre article que les deux, GIGN et armée, avaient bien commis des exactions. Le film semble donc en effet un peu trop manichéen sur ce point.

Mais l'article du Figaro Magazine estime aussi que les scènes d'exactions présentées dans le film seraient "caricaturales".

Comme il le précise en légende de cette photopicto

Or, selon Legorjus, le film est en dessous de la réalité sur ce point, les maltraitances ayant été beaucoup plus dures. La journaliste Elisabeth Drevillon avait recueilli également, dans son documentaire Grotte d'Ouvéa, autopsie d'un massacre, diffusé sur France 2 en 2008 des témoignages de Kanaks qui faisaient état de mauvais traitements.


Enfin, un détail d'écriture qui a son importance. Depuis l'accord de Nouméa, de 1998, et sur les recommandations de l'Académie des langues Kanak, il est communément admis que le terme "Kanak" s'écrit avec un K et non avec un "C", ("canaque"). Cette ancienne écriture est désormais perçue comme irrespectueuse envers les Kanaks et comportant un certain message politique.

picto Or, l'auteur n'hésite pas, en sous-titre, (et dans l'article) à utiliser l'ancienne écriture "canaque". (Zoreille étant le terme, traditionellement employé, en Nouvelle-calédonie, pour désigner les métropolitains arrivés récemment sur l'île). L'auteur a toutefois utilisé la nouvelle orthographe "Kanak" à un autre moment de l'article.

Thierry Deransart était le rédacteur en chef des Nouvelles calédoniennes Hebdo, lors de la prise d'otages, comme il le signale. Ce journal était un supplément politique aux Nouvelles Calédoniennes, seul quotidien d'information de l'île, qui était, comme le précisait L'Express en 2002, "réalisé par des affidés de Jacques Lafleur", député RPCR (parti anti-indépendantiste), distribué le jeudi en même temps que les Nouvelles calédoniennes. Contacté par @si, le journaliste confime : "Nous étions clairement engagés pour les loyalistes."

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