Siemens, Berlusconi, et le court-circuit
Brève

Siemens, Berlusconi, et le court-circuit

Alerte rouge ! Siemens aurait retiré 500 millions d'euros d'une banque française

, pour les déposer auprès de la BCE. On ne sait pas quelle banque française est concernée. On ne sait pas exactement pourquoi Siemens a procédé à ce mouvement. Mais la nouvelle est tout de même jugée suffisamment alarmante, pour courir d'une radio du matin à l'autre, colorant ce mardi d'une touche d'angoisse supplémentaire. Philippe Lefébure nous en prévient sur France Inter. Heureux hasard: Aphatie reçoit le grand manitou de la BNP, Michel Pébereau. Mais ce n'est pas sa banque, qui est concernée. Et de toutes manières, même si c'était sa banque, Pébereau ne serait pas au courant.

D'où vient l'info ? Du Financial Times. Le Financial Times lui-même en sait-il davantage ? Non. Même si le journaliste du FT tient cette information "d'une source ayant des informations directes sur l'affaire", cette "source" elle-même ne sait pas quelle est la banque française concernée. Tout juste apprend-on que pour Siemens, ce serait (peut-être) une marque de défiance dans cette banque française (indéterminée), mais aussi (peut-être) une simple mesure de bonne gestion: la BCE, parait-il, paie des intérêts plus élevés que les banques européennes (1,01% contre 0,95%. Je sais, ça semble pas grand chose, mais imaginez que vous placiez 500 millions d'euros, et faites le calcul).

Autrement dit, en l'état actuel des choses, ça semble un non événement. Et on pourrait même renverser l'information, et se demander pourquoi Siemens n'a placé à la BCE "que" 6 milliards d'euros (montant total de ses placements chez Trichet, selon le FT), si vraiment la BCE paie mieux. On pourrait aussi se demander ce que sont "les placements d'une semaine" dont parle le FT. Et pourquoi Siemens a le droit de placer son argent à la BCE, et de se mettre ainsi à l'abri du "Big One". Et combien de multinationales disposent de ce privilège ? Comment est-il accordé ? Etc.

Cette petite information boiteuse présente donc essentiellement l'avantage de nous permettre de mesurer l'ampleur de notre inculture économique. Voici une information dont aucun des journalistes-transmetteurs n'est en mesure d'apprécier la portée véritable, ni même si elle mérite d'être transmise. Peu importe. Elle est tout de même livrée brute, incompréhensible, au grand public. Etrange schizophrénie que la nôtre, depuis le début de la crise financière. En économie, nous sommes à la fois incultes et omniscients. Autrefois, on pouvait supposer que le monde se partageait entre spécialistes surinformés (par Bloomberg, le FT, le WSJ, et une myriade d'agences et de lettres confidentielles spécialisées et très chères) et grand public ignorant, dont les informateurs principaux s'appelaient Bernard Marris (le bon) et Jean-Marc Sylvestre (la brute). Tout se passe comme si ces deux publics se confondaient progressivement, à mesure que les deux circuits d'information eux-même, dans une spectaculaire symétrie, se rejoignent (de la même manière que nous sommes encombrés de cette information sur Siemens dont nous ne savons que faire, les analystes de Standard and Poor's dégradent l'Italie, parce qu'ils ont entendu à la télé les transcriptions obscènes des écoutes de Berlusconi). C'est peut-être ce qu'on appelle un court-circuit.

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