Invité de France Inter ce matin, François Bayrou a dénoncé les affaires de corruption et les intermédiaires, jusqu'à avouer avoir eu affaire lui-même à des "porteurs de valises". Un propos qu'il n'a pas voulu préciser, malgré les questions répétées d'un auditeur, de Bernard Guetta et de Thomas Legrand.
"Construire une République et une démocratie dignes de ce nom." Au micro, François Bayrou s'en prend à la multiplication des "affaires", égrenant les noms de Takieddine, Tapie et Bourgi, rappelant le dossier Karachi, et fustigeant les financements occultes des partis politiques. Lorsque Patrick Cohen lui demande s'il a déjà eu affaire à ces pratiques, il n'obtient qu'une réponse sibylline: "Si on me l'a proposé, les gens qui l'auraient fait se sont vus renvoyer dans les secondes de manière absolument indiscutable."
Etonné de cette révélation, tout aussi ambigüe qu'alambiquée, l'animateur de la matinale le reprend et tente de lui faire dire clairement ce qu'il en est: "J'ai pas compris, c'est du conditionnel, de l'indicatif?" "Ce n'est pas du conditionnel", rétorque son invité, tout en confirmant d'un geste en direction de Bernard Guetta, présent lui aussi dans le studio, au côté de Thomas Legrand. Le fondateur du MoDem est ensuite repris par un auditeur, qui l'interpelle sur son silence, étonnant pour un responsable politique face à une affaire de financement occulte. Mais plus on presse Bayrou d'éclaircir ses dires... ... plus il se prend les pieds dans le tapis |
Il assure ne pas vouloir préciser pour ne pas déclencher "d'incident diplomatique" majeur.
Patrick Cohen le questionne ensuite sur la période où le centriste aurait reçu ces visites de porteurs de valises. Bayrou lui assure n'avoir jamais touché, en tant que responsable d'un parti politique, "un euro d'argent qui ne soit pas de l'argent public, officiel, déclaré". Mais l'intervieweur le relance: "Vous, mais votre parti qui était le CDS à une époque a été en procès pour des histoires de financement politique, pardon..."
François Bayrou a en effet été membre, puis président du Centre des démocrates-chrétiens (CDS), dont d'anciens dirigeants, comme Pierre Méhaignerie ou Jacques Barrot, ont été condamnés en février 2000 à des peines 4 à 8 mois de prison avec sursis pour une affaire de caisse noire sur un compte suisse. Condamnation annulée d'office, puisqu'en août 1995, l'amnistie présidentielle prévoyait que les peines de prison avec sursis de moins de 9 mois soient effacées.
L'interview de Bayrou, qui avait donc commencé par un plaidoyer anti-corruption, l'a entraîné vers la position d'accusé. Pressé par les journalistes présents de s'expliquer sur son silence, il est visiblement gêné par sa propre déclaration. Malgré ses accusations implicites envers des porteurs de valises étrangers, il se défend d'avoir "vocation à être dénonciateur au micro". Tout en assurant que si un juge décidait d'ouvrir une information judiciaire, il le soutiendrait : "Je l'ai fait dans l'affaire Tapie", insiste-t-il avant de clore le sujet.
(par Julien Lagache)
Porteurs de valises ? C'est justement le sujet de notre émission de la semaine.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous