Faut-il y voir un manque d'imagination des sondés ou du sondeur qui a posé les questions ? Sur son blog "les 400 culs", la journaliste Agnès Giard dénonce la méthodologie de l'enquête et la vision du fantasme qui la sous-tend.

"Vous préférez faire l’amour dans un parking, dans un parc, dans un cimetière, dans une piscine, dans un train, dans un ascenseur, dans une clairière en forêt, sur une plage déserte, dans le renfoncement d’une porte cochère ou sur votre lieu de travail ?" C'est l'une des questions à choix multiples posée par le sondeur Harris à un panel de Français. Problème : il s'agit de questions fermées comme l'a souligné Agnès Giard. Et "le problème avec les questions fermées, c’est qu’elles ne reflètent finalement rien d’autre que l’imaginaire érotique de celui qui les pose", explique-t-elle. Or, celui de Marianne ne fait pas vraiment fantasmer et dénote une conception stéréotypée du fantasme : "Le fantasme, s’il faut en croire Marianne, se définit donc de trois manières comme:
1/ un acte effectué dans un lieu autre que la chambre à coucher.
2/ un acte effectué avec une autre personne que son/sa partenaire habituel(le).
3/ un acte épicé par un peu de voyeurisme-exhibitionnisme ou de SM. L’acte lui-même se ramenant, inévitablement à “faire l’amour”. Sous-entendu: pénétration génitale".

Harris a bien tenté de renouveler le genre du sondage sexuel avec une dimension politique - "les électeurs de Borloo rêvent de dire des mots crus à leur partenaire", 25% des hommes "fantasment sur Rama Yade" -, mais rien n'y fait : les réponses proposées par Harris restent très banales et assimilent le fanstasme à "une simple performance". Ce que dénonce Agnès Giard :"Il y a un aspect profondément délétère dans cette façon de réduire le fantasme à un acte gratuit, coupé de tout enjeu, vidé de contenu, réduit à l’insignifiance d’une étreinte effectuée non pas dans un lit mais quelques mètres plus loin… Comme si le fait de coïter sur les WC ou sur la machine à laver (fonction essorage), rendait l’étreinte tellement plus folle". Selon la journaliste, qui cite notamment Annie Le Brun, une spécialiste de Sade, le fantasme "ne se résume pas à l’acte. Il est un spectacle total, qui engage non seulement des mots, des faits, des odeurs, des bruits, mais des pensées, le plus souvent sales, obscènes, parfois même choquantes (...) La fonction –la beauté- des fantasmes réside dans cette capacité qu’ils ont de nous faire perdre le sens du réel". Avec les réponses imposées par Harris et Marianne, on est loin de cet imaginaire : "Tant qu’on réduira la notion de fantasme à ces sinistres énumérations, tant qu’on posera aux gens des questions “fermées” sur ce qui leur donne envie de bander et de mouiller, nous resterons au degré zéro du désir", conclut Giard.

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