Boillon, ses hôtes, et l'Histoire
Brève

Boillon, ses hôtes, et l'Histoire

L'affaire Boillon n'est pas seulement ce qu'on croit. Elle est beaucoup plus grave.
Sans doute reste-t-il des détails à préciser dans le fameux déjeuner fatal. Comme le souligne ici Aymen Gharbi, on ne sait pas exactement quelle question de ses convives tunisiens le nouvel ambassadeur français a qualifiée de "truc débile". De la même manière, Marine Le Pen, en brandissant "effondrée" la photo de l'ambassadeur en maillot de bains, tape à côté. En temps normal, Boris Boillon aurait le droit d'avoir quarante ans, et de draguer sur le site "Copains d'avant". Il aurait le droit d'être un clône de Sarkozy. Il aurait le droit de parler cash, de dire "nul" ou "débile". Mais on n'est pas en temps normal.

Il est très vraisemblable que c'est une question sur les vacances de fin d'année de MAM, qui l'a fait trébucher. Sans doute les confrères tunisiens ont-ils été polis. Peut-être même, très poliment, n'ont-ils pas prononcé le mot "mensonges" à propos de MAM. Il est peu probable qu'ils aient listé ses mensonges à répétition, même si évidemment ils en connaissent sur le bout des doigts la liste complète, maintenant que Le Canard est en vente libre à Tunis. Peu importe. Boillon ne répond rien, car il n'y a rien à répondre. Les vacances de MAM sont injustifiables. Ses mensonges sont injustifiables. L'arrogance apparente de Boillon est l'image exacte de l'impasse dans laquelle se trouve la diplomatie française, sur les révolutions arabes, après des décennies de complaisance, et des semaines d'aveuglement. Dans cette impasse, nous sommes, dans la meilleure des hypothèses, pour de longues années. Et cette impasse ne comporte, avec ce président, avec ce Premier ministre, avec cette ministre des Affaires Etrangères, strictement aucune issue. Chaque gesticulation française resserre le filet sur notre diplomatie, rajoutant une erreur à une faute, une grossièreté à une stupidité.

La jouant amical et décomplexé avec ses hôtes, Boillon croit pouvoir instaurer avec eux le jeu habituel des connivences et des rapports de force. Se fût-il comporté aussi grossièrement avec des journalistes français, l'affaire n'aurait certainement pas pris ces proportions. Des brèves ici et là, un "en baisse" dans Le Point, et on n'en parlait plus. Mais Boillon n'a pas pris conscience qu'il parle aux journalistes d'un pays révolutionnaire. Ces réponses sur MAM et le reste, ils les exigent, et ils les re-poseront tant qu'ils ne les auront pas. Que les Tunisiens décident simplement de maintenir, chaque jour, leurs manifestations devant l'ambassade et il ne faudra pas quinze jours à Sarkozy pour, la queue basse, rappeler Boillon à Paris. Et les Tunisiens le savent. Entre Boillon et ses hôtes, l'Histoire a creusé un fossé infranchissable.

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