Wikileaks : Excès transparence (Umberto Eco/Libération)
"Le premier aspect de WikiLeaks, c’est la confirmation du fait que chaque dossier constitué par un service secret (de quelque nation que ce soit) est composé exclusivement de coupures de presse. Les «extraordinaires» révélations américaines sur les habitudes sexuelles de Berlusconi ne font que rapporter ce qui depuis des mois pouvait se lire dans n’importe quel journal (sauf ceux dont Berlusconi est propriétaire) (...) Comment un pouvoir qui n’a plus la possibilité de conserver ses propres secrets peut-il tenir ? Il est vrai, Georg Simmel le disait déjà, qu’un vrai secret est un secret vide (et secret vide ne pourra jamais être dévoilé) ; il est vrai, aussi, que tout savoir sur le caractère de Berlusconi ou de Merkel est effectivement un secret vide de secret, parce que relevant du domaine public ; mais révéler, comme l’a fait WikiLeaks, que les secrets de Hillary Clinton étaient des secrets vides signifie lui enlever tout pouvoir. WikiLeaks n’a fait aucun tort à Sarkozy ou à Merkel, mais en a fait un trop grand à Clinton et à Obama." écrit Umberto Ecoo dans un long éditorial en page 3.
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Libération jeudi 2 décembre 2010
"Les sites comme WikiLeaks ne calment pas la paranoïa, ils la nourrissent." écrit Françoise Gaillard (Université Paris VII).
"Au plan médiatique, la grande nouveauté de cet événement tient à ce que les «fuites» n’ont pas d’abord été publiées «en bloc» par WikiLeaks pour être ensuite triées, commentées, expertisées par la presse écrite, (...) l’expertise de la presse écrite a ici été sollicitée par l’ogre Internet, qui semble soudain s’aviser qu’il n’est peut-être pas de bonne méthode de dévorer ses propres parents. On semble admettre que l’information doit être analysée pour ne pas être écrasée par sa propre masse, et que tout n’est pas forcément bon à publier. Y a-t-il là l’amorce d’une redistribution des puissances médiatiques, qui relégitime la force de commentaire et d’expertise de la presse écrite «de qualité» face à la déferlante d’informations brutes du Net? Ou bien, malgré la caution attendue de la presse écrite, est-ce plutôt la logique massive et non hiérarchisée du Web et du fondateur de WikiLeaks qui gagne du terrain, choisit «ses» journaux et leur dicte un mode de publication dénué de véritable travail de vérification, de recoupement, de réflexion? Le processus est assurément à double face." écrit Jean-Claude Monod, chercheur au CNRS à propos de "L'ogre Internet"
Un élément supplémentaire pour notre dossier Wikileaks le trouble fuites.
Lire aussi la chronique de Daniel Schneidermann: "un bon vieux scoop" ?
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