Copé, Hirsch, et les Justes
Brève

Copé, Hirsch, et les Justes

Certains matins, il arrive que les mots se dérobent.

On les cherche, mais ils glissent. Ainsi à propos de la réaction de Jean-François Copé, au livre de Martin Hirsch (dont nous entretenait dimanche notre envoyé spécial au Sarkozistan). "Il se trouve que Martin Hirsch et moi nous avons un point commun que nous avons découvert en parlant : ses parents, comme mon père pendant la guerre, ont été sauvés par des Justes." Et Copé d'ajouter : "je me suis demandé s'il ne faisait pas de la délation." Les mots manquent, pour qualifier l'ignominie de cette riposte, comme ils manquaient à Hirsch, à qui France Inter a fait réécouter la bande-son ce matin. Ainsi donc, poser la question du conflit d'intérêts de Copé, qui serait payé jusqu'à 20 000 euros par mois par un cabinet d'avocats, pour "deux ou trois après-midis par semaine", ce serait l'équivalent de dénoncer des Juifs sous l'occupation ? Arborer en bandoulière les persécutions subies par son père devrait valoir à Copé brevet d'impunité éternelle ? Et après, on va chercher des poux à Viviane Reding, qui a convoqué la même référence historique, à propos des expulsions de Roms ? On menace, comme Sarkozy, de boycotter un sommet européen si elle ne s'excuse pas ?

Si les mots manquent aussi, mais cette fois par lassitude, c'est pour qualifier l'incuriosité journalistique devant la scandaleuse situation de Copé. Qu'il soustraie ces fameuses "deux ou trois après-midis par semaine" à la lourde tâche pour laquelle il a été élu (réformer ce pays qui en a tant besoin, et aider le président de la République), est un premier scandale, que le journal d'Etienne Mougeotte devrait dénoncer tous les jours (à sa décharge, il en soustrait bien davantage pour se consacrer à la réalisation de ses très hautes ambitions pour 2017, mais il n'est pas seul dans ce cas). Mais qu'il oppose un refus sans appel à toute question sur les dossiers que lui confie ce grand cabinet d'affaires, au montant des revenus qu'il en retire, et que la question ne lui soit pas systématiquement posée dès qu'il parle dans un micro (c'est à dire sept fois par jour en moyenne, jours fériés compris), devrait être inacceptable. On l'entend déjà, quand il se trouvera un jour ou l'autre, immanquablement, au centre d'un maëlstrom à la Woerth: "mais enfin, cette situation était connue ! Elle était sur la place publique. Et celà ne gênait personne !"

Tout ceci ne retire rien aux ambiguïtés de l'opération Hirsch. La tonitruante dénonciation du scandale des timbres-poste est distrayante, mais peut-être un peu surdimensionnée, et sans véritable rapport avec la question des conflits d'intérêts. Son refus d'inclure dans ses attaques ses amis Woerth et Brücker est humainement admirable, mais affaiblit un peu l'ensemble de la démonstration. Sa myopie sur les multiples détournements des missions de la police ou de la Justice, par exemple, au bénéfice de Sarkozy, de ses amis et de sa parentèle, suffit à elle seule à disqualifier l'entreprise, sans qu'il soit besoin de convoquer le fantôme épuisé des Justes.

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