Nationalité / parents : la presse rectifie le gouvernement
Brève

Nationalité / parents : la presse rectifie le gouvernement

La droite peine à argumenter en faveur de ses propositions en matière de sécurité. Ces derniers jours, coup sur coup, deux déclarations de représentants de l'UMP se sont révélées erronées. Le Figaro.fr rétablit la vérité concernant les propos du député UMP Eric Ciotti, qui s'est appuyé sur un exemple canadien douteux pour justifier sa proposition de punir pénalement les parents d'enfants délinquants. Libération et le Monde.fr, eux, remettent en cause l'affirmation selon laquelle la gauche aurait renforcé des mesures de déchéance de la nationalité, bien avant les propositions de Nicolas Sarkozy.

Nouvelle sortie du Monsieur sécurité de l'UMP, Eric Ciotti, dont Sherlock vous détaillait le parcours, sous l'oeil attendri de Christian Estrosi. Chargé de rédiger une proposition de loi réclamée fin juin par le président de la République sur la responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants, il a proposé samedi dernier de les punir directement, en cas d'acte de délinquance de leur progéniture.

Pour ce faire, des "plans de probation sous la responsabilité de leurs parents" seraient mis en place. "Le jeune aura des interdictions claires : par exemple, celle de paraître dans certains lieux, d’entrer en relation avec certaines personnes qui peuvent être des co-auteurs, des complices. Mais aussi des obligations en termes de résultats scolaires", explique-t-il dans une interview au JDD. Si ces mesures n'étaient pas respectées, "les parents du mineur encourront alors une condamnation pénale qui pourra aller jusqu’à deux ans de prison", prévient-il. Les parents ne seraient donc plus seulement responsable civilement, comme jusqu'à présent, mais également pénalement.

Et de s'appuyer sur un exemple, le Canada. "Ce plan de probation fonctionne déjà avec succès dans certains pays, notamment au Canada." dit-il. Mal lui en a pris... Le Figaro.fr s'est penché d'un peu plus près sur cette affirmation. "Le Canada a effectivement adopté depuis 1984 le principe de plans de probation sans surveillance pour les mineurs, c'est-à-dire dont le contrôle est laissé à la charge des parents", écrit Tristan Vey dans un article daté du 4 août. "Toutefois il n'a jamais été question de mettre en cause la responsabilité pénale des adultes en cas de non-respect des mesures ordonnées par la justice." Un amendement adopté en 2002 prévoit seulement des sanctions pénales (jusqu'à deux mille dollars d'amende et six mois de prison) pour les parents qui n'auraient pas signalé aux autorités chargées de superviser la probation un manquement aux mesures prononcées par le juge.

Pour Marc Alain, chercheur au centre international de criminologie comparée de l'université de Montréal, interviewé par le Figaro.fr, il s'agit, de plus, d'une réalité "très théorique" : "Généralement, les parents vont d'abord rapporter le manquement constaté auprès de l'autorité de supervision (...) qui elle-même décidera s'il y a lieu de dénoncer le manquement en question aux autorités pénales. Les superviseurs se contentent souvent de donner des avertissements au jeune jusqu'à ce qu'il atteigne ses 18 ans, dans le but de limiter au maximum les incarcérations abusives de mineurs." Pas tout à fait, donc, l'équivalent de la mesure que souhaite mettre en place Ciotti. Celui-ci aurait pu, néanmoins, donner l'exemple de la Californie, un état dans lequel "les autorités usent et abusent du transfert de responsabilité aux parents".

@si s'est penché sur l'article du quotidien du Figaro traitant du même sujet, publié le lundi 2 août. Celui-ci prend également du recul par rapport à cette affirmation, mais sans la vérifier ni la réfuter : "La méthode ferait recette au Canada. C'est, en tout cas, ce que rapportaient les conseillers du chef de l'Etat quand l'Elysée a suggéré à Eric Ciotti de s'intéresser à ce type de mesures en juin dernier".

Pas de précédent de la gauche


Autre argument erronné avancé par la droite : la déchéance de la nationalité aurait été "renforcée" précédemment par la gauche. Nicolas Sarkozy a lancé l'idée lors d'un discours vendredi 31 juillet à Grenoble. Il s'agirait de déchoir de la nationalité des délinquants d'origine étrangère, qui auraient porté atteinte à des membres des forces de l'ordre. Une disposition qui pourrait d'ailleurs être considérée comme inconstitutionnelle, précise dans le Monde le 2 août l'historien spécialiste des questions d'immigration, Patrick Weil.

La mesure est discutée lors du conseil des ministres, le mardi 3 août. Nadine Morano rapporte alors des propos du président, cités par l'AFP, qui aurait fait référence "à Mme Guigou qui, lorsqu'elle était garde des sceaux, savait très bien que la déchéance de nationalité existait dans notre droit. Elle l'a elle-même renforcée puisque ce décret existe depuis 1998". "Elle l'avait renforcée, elle ne l'a pas supprimée, a indiqué Morano, puisqu'elle l'avait étendue aux personnes qui font des actes de terrorisme, ce qui est très bien par ailleurs."

 

Or, ces affirmations sont fausses. Dans une interview à Libération, en date du 3 août, Elisabeth Guigou rétablit la vérité: "Soit Nadine Morano s'est trompée, soit le président a été mal informé. Je n'ai pas du tout rajouté le terrorisme comme motif de déchéance de nationalité. Cette disposition était déjà là. Mais j'ai rajouté une condition: que la déchéance ne crée pas des apatrides. J'ai également supprimé la possibilité de déchéance pour les crimes de droit commun."

Patrick Weil, dans l'interview du Monde, précisait que c'est en 1996 qu'avait été rajouté cette mesure de déchéance de la nationalité pour les terroristes, c'est-à-dire sous le gouvernement d'Alain Juppé, et non celui de Guigou.

Le journaliste Samuel Laurent, du Monde.fr, pointe également les erreurs du gouvernement. "En 1998, la garde des sceaux a bel et bien fait adopter une loi qui évoquait notamment la nationalité", explique-t-il, mais pas du tout en renforçant les mesures de déchéance de nationalité. Bien au contraire, il s'agissait "d'intégrer au droit français l'interdiction de déchoir un individu de sa nationalité si cet acte avait pour conséquence de rendre la personne concernée apatride (...)une disposition imposée par plusieurs traités internationaux dont la France est signataire". Le même texte de loi a abrogé, par ailleurs,   une disposition existant depuis 1945, et renforcée par la "Loi Pasqua". "Celle-ci prévoyait la possibilité de déchoir un individu de la nationalité française «s'il a été condamné en France ou à l'étranger pour un acte qualifié de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement». Une disposition tombée en désuétude, et qui n'a pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel, du moins sur ce point précis", précise le Monde.fr.

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