Toujours la même question : se suicide-t-on plus à France Telecom qu'ailleurs ? Le 20 octobre, l'éminent statisticien René Padieu publiait une tribune dans La Croix, où il affirmait que ce n'est pas le cas. Libération lui répond aujourd'hui.

Padieu critiquait le terme "vague de suicides" employé dans les médias, en soulignant qu'à France Telecom, on a relevé 24 suicides liés au travail en 19 mois : "Un journaliste consciencieux recoupe son information. (...) En 2007, on avait pour la population d'âge actif (de 20ans à 60ans) un taux de 19 suicides pour 100000. Vingt-quatre suicides en dix-neuf mois [à France Télécom], cela fait 15 sur une année. L'entreprise compte à peu près 100000 employés. Conclusion: on se suicide plutôt moins à France Télécom qu'ailleurs."

Comparer le taux de suicides dans une entreprise à celui de la population globale, même en âge de travailler ? La méthode choisie par Padieu a fait hurler quatre syndicats de l'Insee, qui ont publié un communiqué sévère à son encontre. Libération leur emboîte le pas, sous la plume de Luc Peillon. Le 12 octobre, il avait déjà répondu, sur le même thème, à une tribune de Marianne2, qui critiquait un de ses articles sur les suicides à l'AP-HP.

"Comparer le nombre de suicides à France Telecom avec une autre population plus large, implique de comparer la population salariée de France Telecom avec la «population active occupée» en général, écrit Peillon. Or René Padieu compare la population salariée de France Telecom avec la «population d'âge actif», ce qui est sensiblement différent."

Surtout, insiste le journaliste, il est très difficile "d'isoler les suicides commis pour raisons professionnelles" : "La difficulté, à ce stade, réside dans la définition d'un taux national de suicides en lien avec le travail, permettant de comparer ensuite avec telle ou telle entreprise. Problème: cette donnée n'existe pas."

Mais quels chiffres utiliser, alors ? La réponse est dans notre article. Et sur le thème de la souffrance au travail, ne ratez pas l'écrivaine Delphine de Vigan, D@ns le texte.