La chaussure, clap final
Brève

La chaussure, clap final

"Les télés du monde arabe repassent en boucle l'image des chaussures"



   , racontent les reporters des radios du matin. Sacrée "rue arabe" ! Toujours aussi à fleur de peau, aussi gamine, aussi inflammable. Eh bien vous savez quoi ? Elles ne sont pas les seules, les télés arabes. Ils sont sans doute beaucoup, arabes ou non, à se le repasser en boucle, en jubilant, ce lancer de chaussures contre Bush. Et plus on se le repasse, plus on mesure le génie inconscient du lanceur, le journaliste Muntazer Al-Zaidi, qui a dessiné l'image de la sortie de scène de Bush, image qui clôturera immanquablement les rétrospectives télévisées, et viendra boucler la boucle ouverte par les quelques secondes d'incrédulité du même Bush, lorsqu'on lui annonce les attentats contre le World Trade Center, alors qu'il visite une école en Floride. C'est une image de sortie, de vacillement final, comme l'épuisement de Jimmy Carter lors d'un jogging, ou le gadin de Gerald Ford en descendant une passerelle d'avion.

Ce n'est pas forcément une image historique. Elle arrive bien tard. En 1956, les pieds noirs algérois bombardèrent de tomates le dirigeant socialiste Guy Mollet. Ces tomates paralysèrent définitivement toute éventuelle action réformatrice de la IV e République en Algérie. Elles changèrent peut-être le cours de l'Histoire. Les chaussures de Bagdad interviennent trop tard pour changer l'Histoire. Elles n'interféreront pas. C'est une pure image, sans autre destin sans doute que d'exprimer un moment. C'est une pauvre petite chaussure de ratification, jetée après le coup de sifflet final (même si la seconde manche va commencer).

Surtout, elle change radicalement de registre. Attentats, drapeaux brûlés, pendaisons, vidéos d'égorgement d'otages: l'histoire de l'après-11 Septembre déborde de représentations sauvages, insoutenables. Et voici, au milieu des ruines et des cadavres carbonisés, que surgissent deux chaussures, deux innocentes petites godasses, ("la plus jolie des godasses" auraient pu chanter les Charlots), aussi surréalistes et poétiques que celle que déguste Charlot dans "La ruée vers l'or". Alors qu'Al Qaida, Guantanamo, écrasent cette histoire du poids de la tragédie, voilà bien un feuilleton dans lequel on ne s'attendait pas à voir surgir un burlesque vaguement chaplinesque. Voilà bien un jeté-doublé, que l'on n'aurait jamais imaginé devenir le pendant final du double crash des tours jumelles.

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.