Bush, Sarkozy, et les danses de la pluie
Brève

Bush, Sarkozy, et les danses de la pluie

"Energie". Quand un mot rebondit aux petites heures

, de radio en radio, l'oeil du matinaute dresse soudain l'oreille, comme aurait pu dire l'infortuné Raffarin. Energie, donc. C'est d'abord Askolovitch, sur Europe 1, qui assure la bande-annonce du fameux discours de Sarkozy au Zénith de Toulon, attendu par la planète entière, et annoncé pour la fin d'après-midi. Pauvre Sarkozy, qui n'a pas la France qu'il mérite ! "Il a de l'énergie à revendre, soupire le chroniqueur de Lagardère. Mais les Français sont abattus, la France est épuisée socialement et moralement. Sarkozy a beaucoup de choses à dire, mais les gens sont-ils prêts à l'écouter ?" Dissolvons donc le peuple, avec Sarkozy et Askolovitch. Ca ira mieux après. Quelques minutes plus tard, sur France Inter, Laurence Parisot raconte à Demorand sa rencontre de la veille avec le même Sarkozy. Alors, que vous a-t-il dit, que va-t-il dire ce soir, comment l'avez-vous trouvé ? "Il est plein d'énergie" confie la patronne. Tout espoir n'est pas perdu, donc...

Le salut de l'économie mondiale reposerait donc sur "l'énergie" des dirigeants. La foi dans cette énergie, dans les mots, dans les incantations et les gesticulations, dépasse d'ailleurs le cas du seul Sarkozy. L'initiative incongrue de McCain "d'interrompre" sa campagne, la convocation par Bush de McCain et Obama à la Maison Blanche, l'ombre du FBI convoquée pour traquer d'éventuels "coupables": dans toutes ces gesticulations, entrent sans doute une bonne dose de calcul tactique des temps ordinaires, mais aussi une petite dose de ce désespoir irrationnel, immémorial, qui fait les plus frénétiques danses de la pluie, et les exécutions de boucs émissaires.

Toute situation révolutionnaire, tout renversement radical d'un ordre ancien, est toujours invisible à la plupart de ses contemporains, qu'ils soient acteurs ou observateurs. Lorsque Gorbatchev, dans les années 80, donna les premiers coups de burin dans le béton soviétique, nombre de savants confrères (et notamment au Monde, où j'officiais alors) soutenaient qu'il ne s'agissait que de gesticulations en trompe-l'oeil, savamment orchestrées par le KGB pour gruger l'Occident. Quelques années plus tard, tombait le mur de Berlin. Que Bush presse un Congrès réticent d'injecter 700 milliards de dollars de fonds publics dans l'économie étazunienne, est peut-être une révolution symétrique, comportant la même part d'inouï, et donc d'indicible. Rien d'étonnant, si les mots et les analyses ont un temps de retard sur l'événement, laissant encore la place aux postures anciennes, et aux incantations éternelles.

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