Lille : élèves journalistes inquiets d'un rapprochement avec sciences-po
« Le diplôme de l’ESJ Lille va devenir un master de l’IEP », explique Pierre Mathiot. Le directeur de science-po Lille est fier de cette «formule originale». Intégrés à l’institut, le concours ainsi que le master qu’il permet d’obtenir rendront les élèves titulaires d’un double diplôme.
Si aucun changement de statut n’est pour le moment au programme, le concours de l’ESJ ne sera plus en commun avec le CFJ et l’IPJ, mais plutôt avec l’IEP, sous formes de nouvelles épreuves officialisées dès septembre 2010. Examen dans lequel les élèves issus de la filière science-po auront un avantage non négligeable: ceux qui, à l’issue de leur licence, désirent se lancer dans les études journalistiques, pourront intégrer directement la formation, se passant des écrits pour ne préparer que l’oral. Une vingtaine d’étudiants bénéficiera de ce privilège, un chiffre non négligeable dans une promotion de 56 élèves.
Pour parfaire la fusion, une partie des cours de la formation (environ 80 heures), devraient être dispensés par des enseignants de l’IEP. Et le rapprochement des locaux devrait se faire d’ici 2013.
Côté étudiants, les avis divergent quant au bénéfice de cette fusion. La présidente de l’association des anciens élèves Réseau ESJ, Carole Lefebvre, est satisfaite: « Nous nous rapprochons d’une structure publique et régionale. Le diplôme est intégré dans le système LMD et il y a des projets de recherche : tout cela est plutôt positif». Elle évoque notamment la résolution des problèmes financiers de son école, « L’ESJ était confrontée depuis des années à des déficits structurels auxquels elle ne pouvait plus faire face».
Les étudiants actuels, eux, sont inquiets pour l’avenir de leur école et ont souhaité en faire part à notre rédaction par un courrier. Ils estiment que cette association est d’origine économique uniquement. « Chroniquement déficitaire, l’ESJ – école privée – a reçu près de 3 millions d’euros du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais fin 2009. Elle a trouvé dans l’IEP un bon partenaire public pour l’épauler durant sa convalescence».
Mais elle risque surtout de dévaluer leur diplôme, par un «formatage des étudiants» contraire à la philosophie de l’ESJ. «L’existence d’un sésame, d’un privilège pour les étudiants de l’IEP de Lille risque fort d’accentuer la présence des personnalités "Science-po", déjà très représentées actuellement dans les promotions. L’ESJ prône une diversité des profils, veut instaurer une discrimination positive pour des élèves venant de quartiers difficiles, et paradoxalement met en place des facilités d’accès pour des étudiants au cursus déjà prestigieux».
Le projet a été validé et leur demande de négociation avec la direction n’a pas abouti. Le texte des élèves journalistes est une ultime tentative d’opposition de la part d’étudiants mais aussi de futurs professionnels qui refusent «d’accepter de telles concessions. Ni politique de quotas frisant l’absurde, ni concours à deux vitesses. Nous tenons à préserver les valeurs, l’éthique, l’indépendance de notre école et la vision du journalisme qu’elle continue (pour combien de temps ?) de promouvoir».
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