Infiltrés : je m'infiltre
Brève

Infiltrés : je m'infiltre

Souffrez que je m'infiltre

, dans le débat sur les Infiltrés. J'ai voulu attendre de voir l'émission. Elle est vue. Je peux donc tenter de répondre à "la" question de la semaine : alors, que fallait-il ? Dénoncer à la police, les pédophiles rencontrés dans le cadre de l'enquête? Pas dénoncer ? Un débat comme les émissions médias les adorent, parcequ'il ne comporte que des mauvaises réponses. Dénoncer ? Mais enfin, les journalistes ne sont pas des balances ! Ne pas dénoncer ? Alors, vous allez laisser un crime se commettre, contre un enfant de cinq ans ! Un innocent nenfant de cinq ans, aux boucles blondes, qui rit dans le printemps ! Pour ou contre, blanc ou noir, oui ou non, un camp ou l'autre, et cerise sur le gateau : totalement insoluble. Et double cerise : identificatoire pour l'auditeur. Ciel ! Et moi, simple auditeur, brave citoyen, qu'eûs-je fait ?

Pour tenter de sortir de la nasse, souvenons-nous d'un élément élémentaire (Watson) : ce débat ne se pose que dès lors que l'on accepte de se situer dans le système des infiltrés. Pas d'infiltration, pas de découverte de pédophile "sur le point de passer à l'acte", pas de dilemme. D'où une suggestion simple : fallait pas y aller, les gars. Fallait traiter un autre sujet. Ou mieux : fallait pas faire cette émission, les infiltrés. Cris d'orfraie des infiltrés. Cri de bête qu'on égorge. Arrrrrgh ! Mais nos investigations ! Mais la liberté de l'information ! Mais ces abus-des-culs-de-basse-fosse-de-la-société-que-personne-ne-veut-voir-et-qu'on éclaire ! Mais ces affaires de maltraitance dans les maisons de vieux, par exemple, que nous avions dénoncées dans une précédente émission (nous en parlions ici) ! Mais sans Albert Londres, le bagne de Cayenne ne serait-il pas encore ouvert ?

Bien. Si l'on les comprend bien, Les infiltrés (au-delà d'une obligation légale, discutable à l'infini au demeurant) font état de deux arguments. 1 ) Ils ont sauvé un enfant. 2) L'intérêt de l'information prime. Il faut y aller, parceque notre mission d'informer, etc.

Le premier argument, me semble-t-il, tombe tout seul. Le rôle du journaliste ne consiste pas à "sauver un enfant". Même blond. Même avec des boucles. Même souriant avec confiance au printemps qui vient. "Sauver un enfant" ne peut être qu'un effet collatéral d'une enquête. Ou alors, me semble-t-il, on est dans un autre métier.

Reste le second. Si France 2 n'infiltre pas les réseaux pédophiles, l'information y perdra-t-elle ? Pas sûr. On peut rassembler beaucoup d'éléments, sur les pédophiles, sur les réseaux pédophiles sur le Net, sans éprouver le besoin de rencontrer la bête en caméra cachée. Il y a (j'imagine) assez de pédophiles guéris, de spécialistes des pédophiles en tous genres (éducateurs, médecins, flics, etc), pour permettre de cerner le problème. D'ailleurs, dans l'émission même, plusieurs séquences sont parfaitement instructives, comme ces interviews de responsables de forums pour adolescents, pris en flagrant délit de grave carence dans la surveillance de leurs forums. Parfait, ça. Informatif. Autrement plus informatif que le pédophile en éruption. Ah oui, mais le pédophile guéri, c'est moins vendeur. Pas drôle, le pédophile guéri. Moins sexy que le pédophile en activité, en liberté dans son territoire de chasse, en pleine éruption, en pleine promesse de passage à l'acte. Un peu comme la différence entre la photo de voiture "en train de brûler", et la photo de voiture calcinée. La première, on l'a vu, peut être de nature à susciter un effet d'imitation. Il vaudrait mieux ne pas la diffuser. Ah oui, mais elle est tellement plus excitante que la triste photo de carcasse calcinée. Même si les deux "informent" exactement de la même chose : une voiture brûle. Ou vient de brûler.

Donc, si France 2 ne faisait pas Les infiltrés, l'information n'y perdrait sans doute pas grand chose. Ce qui y perdrait beaucoup, c'est le spectacle de l'information. Le spectacle du journaliste horrifié en gros plan, parvenu à force de ruse aux côtés du monstre flouté. C'est pour ce spectacle-là, pour sa perpétuation, que Hervé Chabalier et Laurent Richard , de chez Capa, se sont transformés en auxiliaires de police. Tout celà ne signifie pas qu'il ne fallait pas le faire. Encore faut-il trouver un nom à cette pratique, qui se situe quelque part entre le travail de police et le reportage animalier, mais que je peine, pour ma part, à nommer du journalisme.

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