Contre le "scoop au kilo" (Dufresne, ex-Mediapart)
Brève

Contre le "scoop au kilo" (Dufresne, ex-Mediapart)

"L’investigation, c’est le capitalisme le plus dur appliqué au journalisme." David Dufresne, journaliste qui a travaillé pour Libération, I>Télé et Mediapart, jette un regard aigre sur l'affaire Clearstream et son traitement médiatique.

"Clearstream. A Denis Robert, en ces jours de tonnerre." C'est sous ce titre que David Dufresne, journaliste français aujourd'hui aux États-Unis, a décidé de pousser un coup de gueule contre le journalisme d'investigation tel qu'il se pratique actuellement. Il n'apprécie pas de voir Denis Robert, prévenu dans l'affaire Clearstream, être moqué par ses confrères. "Pour comprendre une telle prose, il est bon de savoir comment grouille le monde des journalistes d’investigation de la presse parisienne. Ils sont une poignée à se partager des miettes judiciaires, qui font de bons titres et de gros gâteaux (ou l’inverse). Une poignée souvent plutôt bien payée (pas de problème avec ça) en échange d’une obligation de résultats: ramener du scoop. Au kilo. Sous plastique ou non, sous blister, avec ou sans alarme, mais le plus clinquant possible", écrit-il.

Et pour ça, les journalistes d'investigation seraient prêts à tout. "Tant pis si ça abat au passage quelques voyelles et consonnes jetées en pâture. Faut être le premier sur le fournisseur (flic, juge, avocat, indic), le premier sur le client (lecteur, spectateur), à l’affût du bilan comptable (les revues de presse scrutées comme des bonus de fin d’année) et n’être pas toujours trop regardant sur la camelote (que signifie la vérité judiciaire? Quelles sont les conditions du recueillement de la parole retranscrite? En garde à vue? Chez le juge? Qui file les P.V., et pourquoi, et comment, et à qui, et pour qui? Et pour combien de temps? Etc). Dans l’investigation, désormais, tout n’est qu’une question de rentabilité et de plus-value express."

Des idées qu'il a développées dans une interview du site des Inrocks , qui l'a interrogé suite à son billet. "Comment est-on passé des flux d’argent opaques à la baston façon cour de récré Sarko-Villepin ? Comment la presse a-t-elle accepté de se vautrer dans un tel vaudeville? A vendre de l’investigation express, de l’enquête au long cours bâclée en deux rendez-vous et trois PV? Comment ce qui devrait/pourrait être/était l’un des genres nobles du métier, avec le reportage, est devenu un produit d’appel, une savonnette toute juste bonne à permettre à quelques éditorialistes de glisser sur l’actualité ? (...) ans l’investigation, désormais, tout n’est qu’une question de rentabilité et de plus-value express. Et de rotation: surtout, surtout, passer d’une affaire à l’autre. Ne pas creuser au delà de l’économiquement raisonnable, ne pas aimer ses sujets, ne pas douter, fureter toujours, et fourguer encore."

Il continue. "Avec une presse aux abois économiques, on exige désormais aux « scoop men » de telle ou telle publication des obligations de résultats, de publier des rapports de police in extenso, à peine anonymisés, où l’on laisse traîner des noms voire des adresses de quidams, plus ou moins impliqués dans des affaires. Les investigateurs n’ont plus le temps. Car, en arrière fond, une concurrence démente fait rage. Un marché où le scoop perd de sa valeur sitôt qu’il est Googlisé, comme une voiture neuve perd 40% de sa valeur dès qu’elle sort du garage."

Sur le même sujet, voir notre article : "
2004: le jour où Le Point s'est fait avoir par les faux listings Clearstream"

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