Meurtre Natalia Estemirova : la presse russe discrète
La presse internationale s'est émue à l'annonce du meurtre de Natalia Estemirova, une ancienne journaliste russe qui militait pour les droits de l'homme, notamment en Tchétchénie. Toute la presse internationale... sauf la presse russe, qui ne consacre pas ses gros titres à l'affaire.
Natalia Estemirova, une militante russe de l'organisation de défense des droits de l'homme "Memorial", a été retrouvée morte mercredi 15 juillet dans une forêt d'Ingouchie, alors qu'elle avait été enlevée dans la matinée en Tchétchénie. Estemirova s'était fait connaître en tant que militante et journaliste avant la première guerre de Tchétchénie, au début des années 90. Elle était une amie d'Anna Politkovskaïa, la journaliste de la Novaya Gazeta assassinée en 2006 à Moscou.
Le président russe Dmitri Medvedev s'est dit "indigné" par ce meurtre, tandis que le président tchétchène Ramzan Kadyrov l'a condamné. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est également déclaré "horrifié".
Pourtant, si l'information secoue la presse internationale, en Russie la presse accorde peu de place à l'information. D'après la revue de presse de Stanislas de Saint Hippolyte, ce matin sur France 24, "Quelques journaux mettent sa photo en une, mais pas tous, en tout cas pas les principaux... Il faut aller chercher Gazeta pour lire ce titre en Une « La défenseur des droits des tchétchènes tuée de deux balles »." Peu de journaux russes ont fait leur Une sur la mort de Natalia Estemirova. Ici, celle de la Gazeta
Deuxième journal russe à parler de l'affaire en Une, le Moscow Times, un journal d'information russe publié en langue anglaise. Ce dernier "raconte comment cette mère célibataire d'une fille de 15 ans, avait plusieurs rendez-vous dans la journée, et notamment un déplacement avec le ministre tchétchène de l'intérieur", explique Stanislas de Saint Hippolyte. Quant à la Ria Novosti, l'agence russe d'information internationale,elle ne fait pas mention de l'assassinat de la militante dans sa revue de presse russe du jour. |
L'agence de presse italienne AGI remarque également les réticences de la presse russe à évoquer l'affaire dans ses gros titres. Dans une dépêche intitulée "Tchétchénie : la presse et la télévision russe ignorent le meurtre d'Estemirova", l'AGI explique aussi que le Kommersant, un journal d'opposition et l'un des plus influents en Russie, n'évoque la mort de la militante que dans un encadré, tandis qu'il consacre le reste de sa Une à la révision des taux d'intérêt. Et de poursuivre : "Pas même une ligne dans les journaux pro-gouvernementaux Izvestia et Rossiiskaya Gazeta, ni dans les tabloïds comme Komsomolskaya Pravda."
Vendredi sortira la Novaïa Gazeta, le magazine pour lequel travaillaient Natalia Estemirova et Anna Politkovskaïa.
La journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006 à Moscou, était l'une des rares journalistes russes à avoir dénoncé les atteintes aux droits de l'Homme lors du conflit en Tchétchénie et à critiquer ouvertement les abus du système politique et judicaire sous Vladimir Poutine, alors président du pays. Son crime n'a toujours pas été élucidé, et la Cour suprême russe a annulé, en juin dernier, le verdict d'acquittement de trois suspects et ordonné un nouveau procès, décision critiquée à la fois par la défense et la famille d'Anna Politkovskaïa.
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