Journée jupe, "diabolisation" (Mona Chollet)
Brève

Journée jupe, "diabolisation" (Mona Chollet)

La journée de la jupe, film de Jean-Paul Lilienfeld avec Isabelle Adjani, "diabolise le jeune de banlieue" et entretient les clichés racistes et colonialistes. C'est la thèse que développe longuement Mona Chollet, journaliste et animatrice du site Périphéries sur ce blog du Monde diplomatique.



Dans ce long article, Chollet dissèque le film pour appuyer sa théorie. Elle a notamment repéré des différences entre le scénario du film et sa version tournée qui, estime-t-elle, font sens.

"Ceux qui ont vu le film savent que, dans cette scène, Mouss menace Sonia Bergerac de viol. En des termes exquis, qui plus est. Il lui montre qu’il connaît son adresse («22,boulevard de Belleville, 4e étage droite»), et il ajoute: «T’as une idée de ce que ça te fera de sentir deux bites te ramoner en même temps, salope!» Du moins, c’est ce qu’on lit dans le scénario, dont nous avons pu voir une copie. C’est la version sobre. Car, dans le film, Mouss ajoute cette délicate incise: «Deux belles bites de bamboulas» – juste au cas où la dimension raciale de la chose n’aurait pas été assez évidente.

Elle ajoute : "Sur le plateau régnait apparemment une folle ébullition créative. Quelques minutes plus tard, quand la prof braque sa classe avec l’arme qu’elle a découverte dans le sac de Mouss, le scénario voulait qu’elle crie: «Maintenant, vous allez me dire qui m’avait lancé des gommes sur la tête le premier jour!» Mais, au moment du tournage, le réalisateur a dû juger qu’à la réflexion, cette histoire de gommes, c’était un peu léger; si bien que, dans le film, Madame Bergerac crie plutôt: «Vous allez me dire qui me laisse des mots dégueulasses dans mon casier!»"

Pour elle, ce film est une nouvelle "grande cause" à défendre pour l'habituée du fait Isabelle Adjani. "Cette fois, la «grande cause» consiste à parachever, en toute bonne conscience, la diabolisation déjà bien avancée du «jeune de banlieue»."

Scène après scène, Chollet développe son accusation. "Le machisme, l’islam, l’antisémitisme, les tournantes… [...] La Journée de la jupe aligne avec soin tous les clichés que la féroce propagande de ces dernières années a installés dans les têtes comme autant d’évidences. Les personnages n’ont aucune épaisseur propre, aucune individualité; ils sont là pour incarner des stéréotypes. Ainsi, quand le jeune Karim (celui qui a saccagé le café-tabac de l’Asiatique) s’assied sur une chaise qui se brise soudain en deux, cet incident n’a lieu que pour permettre de lui faire dire: «C’est quoi, cette chaise de feuj!» Et pour permettre à Sonia Bergerac de lui ordonner élégamment, en le braquant avec son arme: «Répète après moi, pelle à merde! “En France, l’injure raciste est punie par la loi.”» Le garçon finit par s’exécuter. Orgasme collectif dans la salle de cinéma."

Enfin, elle montre que le film assimile origines arabes et religion musulmane. "Sur RCJ, le 23mars, Alain Finkielkraut, l’homme que préoccupe si fort le nombre de joueurs noirs dans l’équipe de France de football[5], qualifie le film d’«événement historique», (...) s’émerveille aussi de ce que l’héroïne n’ait jamais voulu révéler à ses élèves qu’elle était elle-même d’origine arabe, «car nous sommes dans une école laïque». C’est aussi l’interprétation de Natacha Polony, qui, dans Marianne (4-10avril 2009), explique cette discrétion par le fait que, pour la prof, «la laïcité n’est pas négociable». Renversant. En quoi le fait d’avoir des origines arabes est-il incompatible avec la laïcité?"

Et pour voir la bande-annonce de la journée de la jupe décryptée sur le plateau d'@si, c'est dans l'acte 4.

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