Safran : un milliard pour l'Etat
Brève

Safran : un milliard pour l'Etat

Vous ne le savez pas, tout le monde s'en fiche

, et ça ne fera sans doute pas plus de dix posts dans le forum, mais l'Etat vend 3,96% de Safran. Saf'ran, c'est la boîte issue de la fusion en 2005 de Snecma et de Sagem. Moteurs d'avion, trains d'aterrissage, hélicoptères, fusées, civil et militaire, du lourd de chez lourd, du fleuron français, du stratégique. Et donc, l'Etat vend. Pas tout. Il en garde parait-il assez pour rester actionnaire principal et garder le contrôle, mais il vend 3,96%. Ce qu'on appelle un bijou de famille. Rentrées escomptées : un milliard d'euros.

Et c'est une mauvaise affaire. Ce n'est pas moi qui le dis. Vous ne me croiriez pas sur parole et vous auriez raison, je ne me prétends pas expert en politique industrielle. C'est François Lenglet, de France 2. Il est colère. Colère à la Lenglet, bien sûr. Ce n'est pas lui qui va aller interpeller Macron, au milieu de la foule, avec son petit micro, comme Elise Lucet avec le patron de Sanofi dans Cash investigation. Chacun son style. Mais furieux tout de même. Habituellement, Lenglet, il est plutôt chèvre chou, thèse antithèse synthèse, il y a du bon et du mauvais partout, très 20 Heures fédérateur, en somme. Pas cette fois. Pas sur Safran. Sur Safran, en gros, il trouve stupide de vendre une participation qui rapporte chaque année des dividendes à l'Etat, alors que l'Etat, en ce moment, pourrait s'endetter quasiment à coût zéro.

Mais alors, pourquoi l'Etat prend-il cette décision stupide ? Parce que Bruxelles, dit Lenglet. Il faut adresser un signal à la commission. Montrer qu'on rentre des sous, qu'on fait tout pour faire baisser le déficit. Il lui en faut, à la commission. La loi Macron au 49-3, c'est déjà fini, oublié, il faut passer à autre chose, l'Ogre réclame chaque jour sa ration. Mais Bruxelles ne sait donc pas que c'est stupide, et qu'il vaudrait mieux engranger tranquillement les dividendes de Safran ? Voilà ce que Pujadas pourrait demander à Lenglet. Mais il ne faut pas exagérer, on n'a pas tout le 20 Heures non plus. Lenglet répondrait que oui, bien sûr, Bruxelles sait, mais Bruxelles s'en fout, il faut faire baisser le déficit, point final. Comme la Troïka en Grèce : on sait que ça ne marche pas, que ça ne marchera jamais, mais on continue J'arrête là, j'ai l'impression de me répéter.

Il y a tout de même du nouveau dans l'histoire même si Lenglet, faute de temps, ne le dit pas. Le milliard que l'Etat va ainsi récupérer en vendant ces 3,96% de Safran, il pourrait l'injecter dans une "société de projet" militaire. Une quoi ? Une société de projet. Voilà la nouveauté (ça date de la loi Macron). Ça vient de sortir, j'ai dû relire dix fois avant de comprendre, et je ne suis pas sûr d'avoir compris. Donc, c'est la dernière idée géniale de Hollande et Le Drian, pour maintenir à niveau le budget de la Défense. Parce que c'est bien joli, de pourchasser l'égorgeur au Mali, en Libye, en Syrie, au Nigeria, où on voudra, mais ça coûte. Où trouver l'argent ? Dans les "sociétés de projet", donc. Je résume ce que j'ai compris. Avec les milliards retirés de la vente des bijoux de famille, l'Etat crée une société, dont le capital sera largement ouvert au privé (si le privé veut bien venir). Cette société achète des avions militaires ou des frégates. Et elle les reloue immédiatement à l'Armée, qui paie donc des mensualités de location. Ainsi, l'Armée ne sera plus propriétaire de ces avions, de ces frégates. Elle en sera seulement locataire. Car un avion ou une frégate, c'est comme une voiture : dans l'immédiat, moins cher à la location qu'à l'achat. Sauf si on en a besoin à temps plein, pendant dix ans. Si je poursuis le parallèle, le calcul repose donc sur l'hypothèse suivante : la traque aux égorgeurs islamistes sera de courte durée, ou intermittente. C'est une hypothèse. Hasardeuse. A l'arrivée, après dix ou vingt ans, l'Armée fera les comptes, et on se dira qu'on aurait mieux fait d'acheter. Mais c'est dans dix ou vingt ans.

C'est bancal ? C'est un calcul à court terme ? Ça risque d'être retoqué par le Conseil constitutionnel ? Sans doute. Même Bercy le redoute. En tout cas, dans l'immédiat, c'est incompréhensible. Mais le déficit. Mais les 3%. Mais Bruxelles. Une dernière chose. Ces petits tours de passe-passe budgétaires, quels politiques en parlent ? Aucun. Ah si. Une réaction . "Le gouvernement poursuit sa politique folle de désengagement des fleurons français, aussi incompréhensible politiquement qu'économiquement. (...) D'un point de vue économique, il est incompréhensible de se séparer d'entreprises aussi rentables, à l'image de Safran, qui versent chaque année à l'État des dividendes colossaux." Je vous laisse découvrir qui est le trouble-fête. Alors ? Alors rien, je dis ça comme ça.

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