: envoyer en apprentissage les "chômeurs de longue durée". Dans la novlangue des communicants et des consultants, "chômeur de longue durée" est synonyme de déchet humain non-recyclable de plus de cinquante ans. On peut aussi parler de "senior", les termes sont désormais équivalents. Hollande n'a mis au courant ni ses ministres, ni les patrons, ni les syndicats, l'effet en aurait été atténué. Ainsi lancé sans préavis, le lapin blanc des "seniors en apprentissage" vise droit le journal de 20 Heures, qu'il atteint d'ailleurs sans difficulté. Médusé, Pujadas relate "l'annonce de cette disposition inédite" (comme si elle allait entrer en vigueur demain matin), tandis que l'on se demande vaguement où est le loup, et pourquoi personne n'y a pensé avant.

D'où vient l'idée ? Réponse quelques heures plus tard sur la même chaine, chez Calvi. L'idée, donc, vient d'une co-production entre "le monde associatif" (entendez notamment le Secours Catholique) et certains patrons comme Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez. D'ailleurs, présent sur le plateau de Mots croisés (quelle coïncidence !) le président du Secours catholique juge l'idée formidable. Car le senior, c'est bien connu, ne cherche pas un boulot, ni un salaire. Il cherche "à se remettre dans cette situation où il se réapproprie l'idée qu'il peut retrouver un emploi" explique le président du Secours Catholique. Autant en effet qu'il "s'approprie" cette idée, plutôt qu'un vrai salaire.

Les seniors en apprentissage : dans cette idée, on pourra voir simplement la nième tentative de traitement sémantico-psychologique du chômage, au carrefour toujours très fréquenté de la gamberge patronale et de la pulsion caritative. On pourra aussi y voir le masque du renoncement à résorber le chômage des jeunes : pendant que le gouvernement envoie les quinquas en apprentissage, il baisse les aides d'Etat à l'apprentissage des jeunes, faisant chuter en 2013 le nombre des (vrais) apprentis, pour la première fois depuis 2005. Ce que ne rappellent, évidemment, ni Pujadas, ni Calvi, qu'il serait parfois utile d'envoyer quelque temps en apprentissage.

Mise à jour le 02/05/2014 - Réponse de Bernard Schricke, directeur Actions France du Secours Catholique :

Contrairement à ce que laisse entendre le début de l'article, la définition de chômeurs de longue durée répond à une définition juridique précise : il s'agit de personnes sans emploi depuis plus d'un an. Ils sont de tout âge même si en effet les séniors sont particulièrement touchés. 80 % des personnes que nous accueillons au Secours Catholique et accompagnons dans nos permanences sont sans emploi.

Ce sont des chômeurs que l'on pourrait qualifier de très longue durée, 47 % ne sont pas ou plus indemnisés, ils sont sans emploi depuis plusieurs années, souvent sans qualification. Seulement 2.4 % des personnes sont en formation. Le Secours Catholique soutient des nombreuses expérimentations et projets d'insertion par l'activité économique auprès de ces publics très défavorisés.

Alors oui l'ouverture d'un nouveau dispositif s'il n'est pas la réponse miracle est une solution parmi d'autres nous semble positive pour ces publics et qu'il faudra préciser. Il permettra à ces publics un accès aux dispositifs de formation professionnelle dont ils sont écartés, tout en travaillant et une stabilisation de la situation de beaucoup qui alternent petits boulots et chômage inlassablement.
 
Nous vous rejoignons en revanche complètement sur votre dénonciation de la baisse des crédits à l'apprentissage des jeunes qui va à contresens, et regrettons la mise en berne de la "Garantie Jeune ".