Le Nostradamus espagnol, et les vaticanistes
Brève

Le Nostradamus espagnol, et les vaticanistes

Le 11 février dernier, au lendemain de la renonciation de Benoit XVI, un jeune Madrilène a fait un rêve. Alejandro a rêvé qu'il y aurait un nouveau pape, et qu'il s'appellerait François.

Il en avise aussitôt Yolanda, sa compagne. Laquelle, heureuse détentrice d'un compte Twitter, en avertit immédiatement ses abonnés. Un mois passe, et voici que la fumée blanche annonce à Rome l'élection du pape François. Le tweet nostradamien ressort aussitôt des profondeurs de Twitter, pour commencer une belle carrière de buzz international. Jusqu'à se retrouver, hier, en homepage du site du Monde, ayant été recensé par le blog du Monde Big browser, la longue cuiller avec laquelle le quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry tente de dîner avec le diable Internet.


Sur la home page, le tweet du Nostradamus espagnol se trouve donc proposé aux lecteurs, à égalité avec un article sur les Jésuites, ou une recension sommaire des déclarations de l'archevêque Bergoglio sur l'avortement ou le mariage gay. Quant aux articles de fond que propose le journal papier (la biographie de Bergoglio rédigée par la correspondante en Argentine, ou le reportage de l'envoyée spéciale au Vatican), ils sont réservés aux abonnés, ou...aux lecteurs du journal papier. On voit bien la philosophie, peut-être inconsciente, qui préside à cette répartition. Aux internautes, quelques miettes, le buzz du jour, les dernières déclarations polémiques des uns et des autres. Aux lecteurs payants, les articles longs, les informations "à pluvalue".

Mais "à pluvalue", le sont-elles vraiment ? A y regarder de plus près, la distinction n'est pas si claire. Deux exemples: pas davantage que ses confrères, Le Monde n'avait placé Bergoglio parmi les favoris du conclave. Les spécialistes de la rédaction savaient-ils vraiment que Bergoglio, au conclave précédent, avait été le challenger de Ratzinger ? Rien ne l'indique. Quant au reportage de Buenos Aires, il ne consacre qu'un court paragraphe à la question des rapports de Bergoglio avec la dictature (je vous en parlais hier). Même si les enquêtes de fond sont sans doute à venir (et même si la question est abordée dans l'interview -gratuite- du sociologue Michael Lowy), c'est tout de même un peu rapide.

Toute la presse se torture aujourd'hui les méninges sur la question du Web. Quelles informations devons-nous donner gratuitement aux internautes, et lesquelles proposer exclusivement aux lecteurs payants ? Ne nous moquons pas trop vite de ces tortures mentales: rien n'est plus difficile (et nous le savons bien ici) que d'imposer aux internautes l'idée que l'information est un produit dont la fabrication coûte cher, et mérite donc d'être payée. La rumeur assure que la nouvelle directrice du Monde, Natalie Nougayrède, ne manifesterait pas une affection particulière pour Internet. Sans doute cette répartition la confortera-t-elle dans sa vision négative. Mais plutôt que de se casser les dents sur le serpent de mer du gratuit-payant, peut-être vaudrait-il tout simplement être plus offensif dans les enquêtes, et dans les analyses. Autrement dit, aussi longtemps que Alejandro sera plus pertinent que tous les vaticanistes professionnels, on peut, sans même avoir besoin de rêver, prédire un avenir compliqué à la presse "de qualité".

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