Brève

Mort en Syrie : O. Voisin, photographe indépendant et "accro"

Gilles Klein

26 février 2013 Maj: 26 février 2013

Après Yves Debay (58 ans) en janvier, un autre journaliste français a été tué en Syrie. Olivier Voisin (38 ans), photographe indépendant est mort, ce week-end, dans l’hôpital international d’Antakya en Turquie, après avoir été blessé en Syrie. A côté des hommages des officiels et ceux de la profession, certains comme le syndicat SNJ-CGT dénoncent le statut précaire des journalistes indépendants

, après avoir été blessé en Syrie. A côté des hommages des officiels et ceux de la profession, certains comme le syndicat SNJ-CGT dénoncent le statut précaire des journalistes indépendants.

Grièvement blessé lors d'un reportage en Syrie, Olivier Voisin, photographe indépendant est mort dans la nuit de samedi à dimanche dans un hôpital turc. François Hollande lui a rendu rendu hommage dans un communiqué : "Sa disparition rappelle tragiquement les risques pris par les journalistes pour informer nos concitoyens, quels que soient les dangers".

Sous le titre "Olivier Voisin : mort pour vivre" le syndicat de journalistes SNJ CGT accuse "les éditeurs n’embauchent plus de reporters-photographes permanents, s’en remettant de plus en plus à des journalistes dits indépendants parce que les employeurs se refusent à leur appliquer le statut, dont ils prétendent qu’il est exorbitant du droit commun. La réduction des frais rédactionnels et, corollaire, l’augmentation des profits sont à ce prix."

Le SNJ-CGT estime que "la lettre électronique" (l'e-mail) de Voisin reproduit sur la page Facebook d'une de ses amies italienne est "terriblement accusatrice".

Parlant de son travail sur les insurgés syriens, la veille du jour où il va être blessé Voisin écrivait: "Je ne suis que le petit Olivier, qui crève la dalle avec eux et qui les emmerde car les combats directs se font attendre. Le problème, c’est ce que demande l’AFP. Moins j’en fais, moins je gagne aussi et ce que je gagne c’est déjà pas fabuleux et plus les jours passent c’est autant de photos qu’on me demande de faire que je ne fais pas".

Même regard critique de Jean-Paul Mari (Le Nouvel Observateur) qui répète qu'un free lance, un reporter indépendant, "doit se battre chaque jour pour trouver les moyens financiers pour vivre, voyager, travailler. C’est un drame que personne ne veut regarder en face. Celui de la brutalité commerciale du monde de l’édition. Celui d’amis photographes, bourrés de talent et couverts de prix, admirés, respectés, World Press réduits au RMI, encensés par le public et humiliés par leur banque."

"Suis accro à cette came de merde"

Mais ni le SNJ-CGT, ni Mari, ne citent une autre phrase de Voisin qui, dans le même texte, montre qu'il aimait son métier et la prise de risques : "C'est vrai, suis accro à cette came de merde. Aucune autre drogue ne sera aussi puissante que l'adrénaline qui d'un coup fait jaillir en nous des sensations incroyables, notamment celles de vouloir vivre" et ajoute "Il était tellement passionné par son boulot, c'était pas très bien payé, il avait du mal à vendre ses photos alors que c'était un excellent photographe, et ça c'est valable pour tous les photo-reporters malheureusement (...) La Syrie c'est quand même un conflit particulier, dont finalement tout le monde se fout".

Interrogé par le site de TV5 Monde, un de ses amis, Guillaume Lhotellier JRI (Journaliste Reporter d'Images) caméraman de télévision dit partager cette addiction :"on est tous accros quand on fait ça"explique-t-il, "Dès qu'il y a un conflit, un événement, on a tous envie d'y aller très vite. On n'a pas envie de passer à côté parce que c'est le cœur même du métier".

On note au passage que des membres de la famille de Voisin ont, étrangement, demandé au Huffington Post France de retirer du site le texte de l'e-mail de Voisin (parce qu'il est trop clair, trop cru sur son travail, sur ses motivations ?). "A la demande de membres de la famille d'Olivier Voisin qui ne tiennent pas à ce que sa lettre soit diffusée, je la retire de mon blog. Cet email avait été initialement envoyé à une amie journaliste italienne qui l’avait publié sur Facebook. Nous avions, de concert, estimé que cette lettre méritait d’être connue du public et qu’elle honorait la mémoire d’Olivier. Nous respectons bien sûr la demande de sa famille et sa douleur", ecrit le blogueur du Huff Post qui avait reproduit le mail de Voisin.

Cette mort "nous fait réfléchir" (AFP)

Les reportages de Voisin ont été publiés dans L'Express, Le Monde, Le Progrès, Le Soir, Libération, Elle, La Vie, La Croix, Télérama, The Guardian ou L'Orient Le Jour, sans oublier que l'AFP en a diffusé deux début janvier 2013, comme l'a confirmé à @si, Eric Baradat, rédacteur en chef du service photo de l'AFP : "Certains comme le Sunday Times (depuis la mort de sa collaboratrice américaine Marie Colvin, tuée en Syrie, en même temps que le photographe français Rémi Ochlik il y a un an) ne veulent plus envoyer personne, ni encourager des indépendants à prendre des risques et refusent désormais de publier leurs photos. Nous, nous continuons à envoyer nos journalistes sur place, mais nous diffusons aussi des images d'indépendants quand elles concernent des zones où nous ne sommes pas. Bien sûr, cette mort nous touche et nous fait réfléchir".