Une nouvelle Joconde ? Vive la géométrie sacrée !
Brève

Une nouvelle Joconde ? Vive la géométrie sacrée !

Il y avait eu en février 2011 l'affirmation selon laquelle la Joconde était un Jocond ; elle fut suivie en juillet de la même année par l'annonce de la découverte d'un nouveau Léonard de Vinci, une figure de Christ sauveur ; en juillet 2012 on retrouvait des dessins du Caravage, et en février de cette année on collait un visage à L'Origine du monde de Courbet.

Toutes ces révélations, ces scoupes intergalactiques, n'étaient que sornettes, salades et billevesées. Du flan, du pipeau, du baratin dont l'objectif était de premièrement vendre du papier et de secondement gonfler la cote d'obscurs dessins et peinturlures. On devrait s'en douter, depuis le temps. Ne plus tomber dans ce piège grossier. Mais il faut croire que les recettes les plus éculées fonctionnent toujours, puisque l'agence Reuters a pondu hier un article sur la Joconde d'Isleworth…


… qui est repris un peu partout dans la presse. Hier dans le Guardian


… hier aussi dans Le Point


… qui se trompe de Joconde puisque la photographie nous montre celle du Prado au lieu de celle d'Isleworth ; aujourd'hui dans Le Figaro


… qui se trompe dans sa légende en disant que la Joconde du Louvre est à droite.

Nul doute que cet article de l'agence Reuters sera repris ailleurs. La Joconde, c'est vendeur, coco.

Que dit Reuters ? Que la Joconde d'Isleworth (dont le nom trouve son origine dans le fait que le critique d'art Hugh Blaker, qui acheta cette peinturlure en 1914, vivait à Isleworth en Grande-Bretagne), serait de dix ans la cadette de celle du Louvre : "De nouveaux tests effectués sur une peinture considérée comme une précédente version de La Joconde, oeuvre peinte par Léonard de Vinci au XVe siècle, ont montré qu'elle était bien de la main du maître de la Renaissance, a indiqué mercredi une fondation d'art basée en Suisse. L'un des tests a été effectué par un spécialiste en « géométrie sacrée », l'autre par l'Institut fédéral de technologie de Zurich, dans la foulée de la découverte, en septembre dernier, de la Monna Lisa d'Isleworth."

Un spécialiste en "géométrie sacrée" ! Damnaide !

La Monna Lisa d'Isleworth


… est en effet réapparue le 27 septembre 2012 en Suisse. Ce tableau, plus grand que celui du Louvre et peint sur toile alors que la Joconde parisienne a été exécutée sur panneau de peuplier, avait été enfermé pendant une quarantaine d'années dans un coffre hélvète jusqu'à ce que la Mona Lisa Foundation le ressorte à grand bruit en affirmant qu'il précédait de dix ans la Joconde du Louvre.

Plusieurs spécialistes avaient alors objecté que le paysage derrière la jeunette était des plus ordinaires et que l'effet de sfumato, l'effet vaporeux qui impègne la Joconde du Louvre, était totalement absent de l'oeuvre. D'autre part, les repentirs visibles sur la Joconde, la vraie, venaient établir avec certitude que la jeunette fut peinte après son aînée. Léonard a en effet parfois hésité lors de la réalisation du portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo. Il a, par exemple, modifié la position de deux doigts de la main gauche :

Image extraite de
La Joconde analysée à l'aide d'une caméra multispectrale
par Pascal Cotte et Mady Elias,
Éditions Techniques de l'Ingénieur


Il a aussi modifié le paysage. La Joconde d'Isleworth, elle, ne présente aucun repentir, aucune hésitation. Elle est donc forcément postérieure à celle du Louvre, ce n'est qu'une copie. Elle date peut-être du XVIe siècle, comme cette autre Joconde hébergée au musée d'art d'Oslo (le Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design). Peinte par Bernardino Luini en 1525, elle présente un décor tout à fait identique à celui de la Joconde d'Isleworth :


Ça va, vous suivez ? Pour en terminer avec cette histoire de repentirs, revenons maintenant à la Joconde du Prado, celle qui a été utilisée à tort en illustration par Le Point.


La voici dans son intégralité :


Cette peinturlure, qui appartient donc au musée du Prado de Madrid, a très probablement été réalisée par un assistant de Léonard, en même temps que celui-ci peignait sa Joconde. Car tous les repentirs du maître se retrouvent sur la copie de l'élève. Les deux oeuvres sont donc contemporaines, datent des environs de 1503-1506.

Ce qui n'est pas le cas de la pauvre Monna Lisa d'Isleworth. Sauf qu'un spécialiste en "géométrie sacrée" affirme le contraire, et ça nous vaut un article de l'agende Reuters. Du coup, on se pose des questions.

Ou pas.


L'occasion de lire ma très récente chronique intitulée Tiens, on aurait retrouvé le visage de L'Origine du monde de Courbet? Foutaise!

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